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«Pourquoi la théorie des “croyances de luxe” est bancale»

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FIGAROVOX/TRIBUNE - La théorie selon laquelle certaines croyances (défense de politiques publiques coûteuses, mixité) servent en réalité à signaler aux élites leur appartenance à une classe sociale privilégiée, connaît un certain succès sur les réseaux sociaux. Pourtant, cette théorie est contestable, estime Thomas Viain, agrégé de philosophie.

Thomas Viain, agrégé de philosophie et ancien élève de l’ENA, travaille comme haut fonctionnaire dans le domaine du droit. Il a publié La Sélection des intelligences (L’Artilleur) en 2024. Son nouvel essai s’intitule La guerre des morales (Hermann).


Une thèse étrange, lancée à l’origine par un Américain, Rob Henderson, rencontre un succès médiatique considérable, notamment sur les réseaux sociaux, en raison de sa simplicité et de son habillage pseudo-évolutionniste. Certaines croyances, que seules les élites pourraient se permettre d’adopter (défense de politiques publiques coûteuses pour la population, plus de mixité sociale alors qu’elles vivent dans un milieu protégé, etc.) serviraient en réalité à signaler leur appartenance à une classe sociale privilégiée. Les élites enverraient ainsi le message : «Regardez, je peux supporter le coût de cette croyance, parce que je suis au-dessus du lot !» Le sociologue Raymond Boudon n’a pourtant cessé de nous mettre en garde contre ces usages abusifs de l’évolutionnisme, qui risquent de saper les fondements mêmes de la rationalité humaine. Cette thèse à la mode est problématique à triple titre.

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Premièrement, si l’on raisonne en termes d’utilité pure, la voix d’un individu isolé n’ayant aucune influence décisive sur les politiques publiques, rien n’empêcherait un membre des classes populaires d’adopter, lui aussi, une « croyance de luxe » pour envoyer un message de trans-classe : «Regardez, moi aussi j’appartiens à l’élite !» De dire que seules les élites seraient incitées à le faire est en partie circulaire.

Deuxièmement, nous ne croyons pas à une chose parce qu’elle nous est utile. Autrement, nous croirions à quantité d’absurdités contradictoires selon nos intérêts du moment. Il est certes possible d’avoir des raisons d’agir fondées sur l’utilité : je crois que telle chose est vraie, et je pense de surcroît qu’elle m’est utile. J’ai alors davantage de raisons d’agir. Mais les unes sont épistémiques, les autres pratiques. Que je trouve une croyance utile n’explique en rien pourquoi je la tiens pour vraie : ce sont deux faits totalement distincts.

Troisièmement, l’unique intérêt de la thèse des «croyances de luxe» est d’expliquer la différence de croyances entre l’élite et le reste de la population. Mais si les élites ont de bonnes raisons de juger ces croyances valides, et que le peuple estime ces raisons faibles, on tient déjà l’explication de cette différence sans avoir besoin de l’évolutionnisme ! Le bourgeois entrepreneur, voyant les progrès de l’innovation, a de bonnes raisons de penser que le capitalisme fonctionne. L’ouvrier, constatant surtout ses défauts, n’est pas convaincu (notre rationalité est ancrée). Qu’ajoute-t-on en disant que la croyance «arrange bien» le patron ? Rien, sinon une illusion d’explication supplémentaire.

Prétendre que l’utilité sociale ne « contribue qu’un peu » à notre adhésion ne change rien : en mélangeant ces deux plans hétérogènes, on ouvre la voie à l’explication totale par le non rationnel.

Raymond Boudon a certes montré comment certains facteurs matériels peuvent faciliter l’adhésion à des croyances. Mais la thèse d’Henderson dit tout autre chose. Ces facteurs matériels ne peuvent se substituer aux bonnes raisons qui fondent une adhésion, sinon on détruit l’idée même d’adhésion rationnelle. L’étudiant en école de commerce, qui a étudié les auteurs libéraux (son attention a été orientée), les trouve ensuite convaincants : c’est la force des arguments qui produit l’adhésion, non l’orientation initiale. Les conditions matérielles ne peuvent jamais jouer un rôle explicatif dans l’adhésion elle-même, mais seulement dans la disponibilité mentale ou l’écoute favorable que l’on prête à des arguments.

Or, dans le cas des «croyances de luxe», la cause supposée (le désir inconscient de signaler son statut social) est sans rapport avec la valeur de nos croyances. Et comme cette cause agit à notre insu, la thèse devient pratiquement irréfutable, comme en psychanalyse. Si l’on accepte cette explication, on ne pourra plus jamais écarter le soupçon que, derrière toute croyance élitiste, se cache un simple signal social. L’idée irrationaliste est claire : toutes les croyances se valent, toutes ont de « bonnes raisons » pour elles, et ce qui fait basculer d’un camp à l’autre, c’est du non-rationnel (virtue signalling, statut social, rapports de production, etc.). Prétendre que l’utilité sociale ne «contribue qu’un peu» à notre adhésion ne change rien : en mélangeant ces deux plans hétérogènes, on ouvre la voie à l’explication totale par le non rationnel. On fait semblant de préserver la dimension rationnelle de la croyance, mais le véritable mécanisme est ailleurs, caché.

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Dans le cas des facilitateurs, le mécanisme n’est pas caché : la cause de l’adhésion à une croyance est toujours l’efficacité propre de bonnes raisons (notre vision du monde), mais pour être sensible à cette efficacité, certaines conditions matérielles sont parfois utiles (ancrage éducatif, position depuis laquelle j’observe, orientation de mon attention, etc.). Dans le cas d’une croyance de luxe, c’est une cause extrinsèque et sans rapport avec la validité de ma croyance qui me pousse à y croire.

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Et si je dis que la volonté de me distinguer socialement m’a seulement rendu attentif à de bonnes raisons d’adhérer à une croyance de luxe, l’explication perd toute sa force : on ne voit pas quelle utilité elle garde par rapport aux autres conditions matérielles très différentes dans lesquelles se trouve l’élite : éducation, position d’observateur, attention focalisée sur d’autres réalités, etc. On n’aura fait, au fond, que de la mauvaise sociologie. Certains vont jusqu’à croire expliquer ainsi l’adhésion aux idéologies totalitaires, alors même que le travail de fond a déjà été mené, de manière approfondie, sur la séduction idéologique qu’exercent les totalitarismes (par François Furet, Michel Winock, Victor Leduc, Alain Besançon, Czesław Miłosz, François Dosse, entre autres).

Au fond, la thèse des croyances de luxe mine radicalement le principe même de la rationalité ordinaire. Elle ouvre la boîte de Pandore d’un univers où toute croyance serait réductible à un biais évolutif ou à un calcul inconscient de statut. Dès lors, nos convictions ne seraient plus que les reflets d’un théâtre social dont nous serions les dupes. Et avec elles, c’est le débat démocratique lui-même qui devient impossible.

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