Il est un peu paradoxal de choisir de consacrer une série d’articles à la classe moyenne puis de suggérer d’arrêter d’en parler. Il ne s’agit pas de nier les problématiques que l’on rattache à la classe moyenne. La période de forte inflation qui a suivi la pandémie, l’envolée des prix de l’énergie alimentée par la guerre en Ukraine, la peur d’une dégradation des conditions de vie, ou encore l’augmentation régulière des loyers et des primes d’assurance maladie sont des réalités.
L’écueil réside plutôt dans cet attachement à la notion de classe moyenne. Un ensemble pratique puisqu’il permet de s’adresser à une majorité, une masse que l’on a de la peine à définir mais à laquelle de nombreuses personnes s’identifient. Un terme intéressant pour mobiliser sur certains sujets politiques ou économiques sans trop se mouiller. On distingue assez facilement une classe moyenne supérieure, plus aisée, et une classe moyenne inférieure, plus exposée à la précarité, mais sans plus.
Sondage exclusif: Une vague d’inquiétude traverse la classe moyenne… Et ceux qui pensent à tort y appartenirDans un Etat fédéral comme la Suisse, les particularités cantonales, régionales, ou encore linguistiques n’ont aucun mal à être reconnues pour de nombreux sujets politiques. Alors que les politiciens en France voisine parlent sans retenue «des Français», on évite de ce côté-ci de la frontière de généraliser en parlant «des Suisses». Les problématiques liées aux dépenses, à la difficulté de se loger, ou encore aux craintes de voir ses conditions de vie se dégrader méritent que l’on s’y intéresse avec plus de finesse.
Ni pauvre ni riche mais encore
Persister à parler de la classe moyenne comme d’un grand tout homogène, c’est risquer de lisser, voire d’occulter, certaines réalités. A revenu égal, la situation d’une femme seule avec deux enfants, celle d’un couple d’actifs n’en ayant aucun ou encore celle d’un retraité ne sont pas comparables. Cette notion, qui a permis d’intégrer la tertiarisation de l’économie et le recul de l’industrie dans les discours, n’est plus aujourd’hui suffisamment pertinente ou précise pour répondre aux différentes inquiétudes.
Lire à ce propos: De 4126 à 8842 francs, la classe moyenne, une définition large pour des réalités très différentesApporter des réponses politiques efficaces sans tomber dans une forme de populisme demande d’aller au-delà du cliché d’une classe moyenne uniforme dont la seule caractéristique serait de ne pas être pauvre, sans être particulièrement riche. Continuer de se réfugier derrière cet ensemble confortable à mobiliser, c’est aussi empêcher chacun de prendre réellement conscience de son propre positionnement dans la société.
L’enjeu est d’autant plus fort qu’une constante historique se dégage: lorsque les aspirations à une amélioration de son niveau de vie sont déçues, elles se traduisent souvent par des bouleversements politiques, quand ce n’est pas par des révolutions.
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