José Mujica, surnommé Pepe, ancien président de l’Uruguay et figure de la gauche, est décédé ce mardi 13 mai 2025. Proche du mouvement insoumis, Pepe Mujica laisse derrière lui une vie de luttes et un exemple pour les nouvelles générations militantes. Portrait.

José Mujica, le guerrillero s’opposant à la dictature

S’il est parfois présenté sous son unique statut de président, on ne saurait réduire le parcours du grand José Mujica à son mandat présidentiel.

D’abord proche du sénateur ayant fondé l’Union Populaire en 1962 – une coalition de la gauche uruguayenne dont le nom rappelle la stratégie adoptée par le mouvement insoumis en 2022 – Pepe Mujica a ensuite participé à la création de la guérilla urbaine des Tupamaros.

Créé en 1964, le nom de cette guérilla fait référence au chef indien Túpac Amaru ayant lutté contre la colonisation espagnole au XVIᵉ siècle. Ce groupe armé est inspiré par le marxisme et la révolution cubaine. Pepe Mujica explique sa fondation par la nécessité de se défendre contre les factions d’extrême droite de l’époque ainsi que pour soutenir les mouvements sociaux et les travailleurs agricoles.

Clandestin depuis 1969, puis blessé et emprisonné en 1970, il organise en 1971 la plus grande fuite de prison de l’histoire du pays. Il réussira en effet à s’échapper avec 110 prisonniers grâce à un tunnel souterrain. Arrêté de nouveau, il a été prisonnier durant 12 ans, de 1973 à 1985, tout au long de la dictature civile puis militaire en Uruguay.

Pepe Mujica a plusieurs fois fait référence aux traitements inhumains qui lui ont été réservés lors de sa détention : torturé, isolé, blessé et laissé sans soins ou encore maintenu durant 2 ans au fond d’un puits. Engagé contre l’extrême droite et pour la liberté, il ne faut donc pas seulement retenir Pepe Mujica comme un leader de la gauche en Amérique latine, mais aussi comme la figure d’un courage dont on peine à décrire l’ampleur.

Président Mujica, une voix pour le peuple

Libéré à la fin de la dictature, Pepe Mujica n’abandonne pas la lutte politique et crée en 1985 le Mouvement de Participation Populaire (MPP), qui deviendra une composante du Front Large, coalition de gauche avec laquelle il sera élu député en 1994, puis sénateur en 1999. En parallèle, Pepe Mujica cultive et vend des fleurs avec sa femme. Ce n’est donc pas une surprise s’il est nommé ministre de l’Agriculture du gouvernement du Front Large en 2004, fonction qu’il assumera jusqu’en 2008. Parcourant le pays dans sa voiture, il réussit à être élu quarantième président de la République orientale de l’Uruguay en 2009.

Entre 2010 et 2015, il met en place des politiques résolument progressistes, qui le conduiront à augmenter de 250 % le salaire minimum – divisant ainsi par 4 la pauvreté -, à reconnaître le mariage pour tous et l’IVG, ou encore à dépénaliser la consommation de cannabis (une première mondiale). Surnommé « président le plus pauvre du monde » ou « président le plus humble du monde », Pepe Mujica a marqué non seulement pour ses politiques mais aussi pour son caractère.

Il refusait en effet de vivre dans le palais présidentiel, préférant sa ferme en dehors de la capitale uruguayenne, et dénotait par sa simplicité, allant jusqu’à reverser 90 % de ses revenus de président à un programme de logement social. Œuvrant pour le bien commun, le mandat de Pepe Mujica restera celui d’un humaniste, président du peuple.

Les insoumis et Pepe Mujica

Le mouvement insoumis a de longue date adopté Pepe Mujica comme ami, source d’inspiration et de respect. En octobre 2015, Jean-Luc Mélenchon, leader de La France Insoumise, tenait une conférence à ses côtés à Paris. En 2022, l’ex-président uruguayen le saluait à nouveau et l’encourageait à continuer la lutte.

Jean-Luc Mélenchon a réagi au départ de Pepe Mujica avec les mots suivants : « Adieu Pepe. Tu marches avec la lumière de notre combat. ». De nombreuses figures insoumises se sont également exprimées, dont la présidente du groupe LFI Mathilde Panot ainsi que la vice-présidente insoumise de l’Assemblée nationale Clémence Guetté.

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Pepe Mujica nous quitte, son exemple reste

Dans un message qu’il adressait au président de gauche colombien Gustavo Petro, le félicitant pour sa lutte en faveur de la paix, Pepe Mujica concluait par ces mots :

« Je ne tarderai pas à m’en aller un de ces jours. Mais souviens-toi, je suis militant depuis que j’ai 14 ans, et je fais encore ce que je peux. Et c’est beau de mettre nos vies au service d’une cause. On nous comprend ou on ne nous comprend pas. (…) Nous continuons de lutter, pour une humanité meilleure ».

Pour aller plus loin : Le Président colombien Gustavo Petro s’adresse à Trump : la langue et la culture contre l’arrogance de la puissance

Malade depuis plusieurs années, son goût pour la liberté ne l’aura jamais quitté : il avait récemment décidé d’arrêter les traitements qu’il ne supportait plus, déclarant : « Mon cycle est terminé. Clairement, je suis en train de mourir. Le guerrier a droit à son repos. ».

Militant jusqu’au bout, Pepe Mujica n’aura jamais cessé d’appeler à la lutte et à l’amour pour la vie. Le guerrier peut désormais reposer en paix : les insoumis font leur sa sagesse, et emportent un peu de son courage dans leur lutte « pour que les gens puissent vivre un peu mieux, et avec un plus grand sentiment d’égalité », comme il le disait si bien.

Par Mathieu Rateau

Crédits photo : « Pepe Mujica na posse de Lula em 2023 », 1 janvier 2023, Pablo Valadares/Câmara dos Deputados, Wikimedia Commons, CC BY 3.0, pas de modifications apportées.