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Passerelle vers la société des sociétés et anarchisme chrétien : confessions d’un catholique irlandais anarchiste (Jon Hatch)

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Confessions d’un catholique irlandais anarchiste

Jon Hatch*

2016

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

Mai 2025

Avec les élections à l’horizon, les termes descriptifs du tire de cet article commencent à venir dans la conversation de plus en plus fréquemment. Et oui, tout est correct : je suis un citoyen irlandais, catholique pratiquant et anarchiste praticien. Pour toute personne, cela peut paraître bien incongru, certainement les deux derniers termes, absurde même. Mais c’est tout à fait correct.

Inutile de dire que les questions viennent rapidement et tout azimut :

Comment puis-je demeurer au sein de l’église catholique hiérarchique, qui ch´´rit la dévotion et l’obéissance à tout et dans le même temps embrasser une vision politique qui rejette les hiérarchies et embrasse la liberté et la libre pensée ?

L’anarchisme ne rejette t’il pas l’organisation dans son ensemble au profit d’une rébellion chaotique ?

Peux-tu vraiment être membre d’une église hiérarchisée, une église bien souvent intolérante et réactionnaire et toujours maintenir ta propre liberté et autonomie, ces deux sacro-saints piliers des anarchistes ?

“Ni dieux ni maîtres” et dans le même temps “Je crois en dieu le père tout puissant”.. Est-il possible de se tenir à ces deux tenets ?

Ma réponse personnelle provient d’années d’expérience de vie, de milliers de pages lues et de douzaines d’interactions et tout autant de contemplation. Elle provient de la découverte et de l’enquête de la richesse de la pensée radicale au sein de l’enseignement et de l’histoire chrétiens : les prêtres ouvriers français, le mouvement Catholique Ouvrier de Dorothy Day et Peter Maurin, la théologie de Jacques Ellul et Nicolas Berdyaev, la philosophie de Léon Tolstoï… Ainsi donc, les pensées que je vais livrer ici sont relativement brèves, mais il y a beaucoup à explorer…

…. Des propres mots de ce charpentier juif “cherchez et vous trouverez”…

En premier lieu, nous devons établir ce qu’est l’anarchisme. Brièvement, l’anarchisme est un système de pensée sociale qui dit que l’état naturel de l’humanité est la liberté et que toute forme d’autoritarisme, de coercition, d’oppression, d’esclavage, est violence, et meurtre. L’anarchisme vise à amener le maximum de liberté humaine possible et donc, de manière évidente, voit des changements fondamentaux sur la manière dont nous pensons et gérons notre société.

Contrairement à une supposition commune, les anarchistes ne sont en rien opposés à la gestion et à l’organisation, bien au contraire, l’anarchisme est une méthode d’organisation avant toute chose. A sa racine, l’anarchisme est une critique du pouvoir centralisé et une forme bien spécifique de ce pouvoir centralisé est ce qu’on appelle “L’État”. C’est une opinion difficile à tenir dans la mesure où l’État centralisé est la seule forme d’organisation sociale que chacun de nous ait jamais connue et il est extirpent difficile de contempler, imaginer la vie sans lui. (NdT : pourtant l’état et la centralisation n’existent que depuis moins de 5000 ans sur les près de 2 millions d’années d’existence de l’humain sur cette planète… ce qui veut dire que durant 99,8% et quelques de son existence l’Homme a socialement fonctionné sans centralisation et pouvoir coercitif… A ce sujet et bien plus voir notre “Manifeste pour la société des sociétés” (2017))

Mais les anarchistes maintiennent que “l’État” centralisé, bureaucratique et militarisé, commodifie, force et limite la liberté humaine dans une telle proportion, jusqu’à nous tuer s’il le juge nécessaire, que tout supposé “bénéfice” est de fait nul et non avenu.

Alors que les anarchistes sont opposés au pouvoir coercitif centralisé, ils font la distinction entre “pouvoir” et “autorité”. Le “pouvoir” est la capacité d’agir, de prendre des décisions, souvent par la force ou la volonté ou puissance concertée. “L’autorité” d’un autre côté, découle de l’expertise et de la connaissance. J’invite un plombier dans ma maison pour fixer un problème parce que je le reconnais comme un expert dans le domaine de l’acheminement de l’eau et des systèmes de chauffage. Les toilettes sont réparées et le plombier s’en va. Si par contre, les toilettes sont arrangées mais le plombier décide de demeurer dans ma maison ‘au cas où”, alors son “autorité” se serait transformée et un pouvoir abusif et devra être activement résisté.

Donc, alors que d’autres expressions politiques parlent de saisir le pouvoir, de consolider le pouvoir, d’utiliser le pouvoir, les anarchistes se focalisent à le diffuser, le disséminer, le distribuer, à le mettre entre les mains du plus de monde possible. Le pouvoir, analysent les anarchistes, c’est comme du fumier, étaler le plus possible et ça aide à faire pousser plein de trucs, mais laisser en tas à une place donnée et c’est… ben… du fumier.

Et les anarchistes sont particulièrement attachés à l’idée de faire pousser quelque chose. La plupart du spectre politique tend à voir la société comme quelque chose de structurel construit, fabriqué, dans qui les humains doivent se fondre et être conditionnés à fonctionner. Les anarchistes eux, tendent à voir la société comme un organisme, quelque chose qui vit, qui pousse, qui bouge, qui s’écoule où les humains ont besoin de vivre en équilibre, de manière égale et équitable, selon le slogan : “a chacun selon ses capacitiés, à chacun selon ses besoins.”

Ceci est en fait crucial pour moi ent tant que catholique. Au cœur même de ma tradition se trouve la personne de Jésus comme nous le voyons présenté dans les évangiles. Dans ces écritures, Jésus n’apparaît jamais comme un empereur, un général, ni mème comme un érudit religieux, mais comme un homme pauvre, un ouvrier d’une toute petite ville, puis plus tard, un enseignant itinérant. Les anarchistes (chrétiens) ne pensent pas que cela fut par hasard ; dieu mettait en place quelque chose… quelque chose de fondamentalement transformateur.

Dans les évangiles, Jésus apparaît constamment en porte-à-faux avec les pouvoirs en place. Il était l’ami de ceux qui ont pêché, on le trouvait toujours parmi les gens de peu d’influence ou étant perçus comme insignifiants sur le plan social et politique.

Dans les évangiles, Jésus apparaît complètement indifférent à toute influence ou pouvoir. Loin d’assumer, de prendre ou même de désirer le pouvoir, Jésus se vide de tout pouvoir et prend la forme d’un serviteur de tous, disant très clairement à ceux qui le suivent qu’ils doivent faire de même.

Dans les évangiles, le dieu dont parle constamment Jésus, le dieu qu’il appelle “Père” et qu’il enseigne à ses suiveurs d’appeler “Père”, n’est jamais présenté comme un maître qui impose sa volonté sur nous ou qui nous regarde comme inférieurs. En fait, Jésus explique clairement que “Moi et le Père sommes Un, si vous m’avez vu, vous avez vu le Père” (Jean 10:30 , 14:9)

En tant qu’anarchiste chrétien, je vois l’incarnation en elle-même, la vie entière de l’homme, Jésus dans le texte biblique, comme une critique personnifiée du pouvoir. Ce fut si révolutionnaire en fait, que les pouvoirs existants le tuèrent pour cela. Mais même l’empire n’a pas pu mettre fin à l’histoire, et ceux d’entre nous qui se disent chrétiens et anarchistes cherchent à vivre comme les “gens de Pâques”, vivant un programme révolutionnaire d’amour, de gentillesse, de générosité, d’inclusion, de justice et de résistance.

… tout juste comme nous voyons Jésus le faire.

Si rien de cela ne résonne comme l’église catholique, je comprends et je suis d’accord. S’il y a une chose qui vient à l’esprit en pensant au Jésus des évangiles contre le Vatican, c’est que quelque chose est rapidement parti en sucette et ce très très tôt dans le développement du christianisme. Il n’a pas fallu beaucoup de temps pour que l’église devienne “État”, puissant, riche et coercitif.

En tant qu’anarchiste, je blame entièrement l’église et sa culture du pouvoir et du contrôle. Mais en tant qu’anarchiste, je pense aussi que tout peut-être organisé sans centralisation, sans pouvoir coercitif. Le modèle original d’un évêque dans le texte biblique et dans la tradition de l’église première était celui d’un berger, d’un père et d’un organisateur sage et éclairé.

Pour les anarchistes catholiques, le rôle de disons… un évêque n’est en rien fait de prestige et encore moins de pouvoir, mais celui d’autorité organisationnelle. Les gens qui ont du pouvoir ne sont pas l’ennemi, le pouvoir l’est spécifiquement quand le pouvoir est en très peu de mains. Je n’ai aucun problème avec des évêques ou archevêques en tant qu’idée… si l’amour est leur loi, puisque c’est ce que je vois en Jésus, je suis satisfait.

Je crois en dieu, je crois que dieu fait dons du leadership, de la sagesse et de l’organisation. Je pense en revanche que dieu donne ces attributs à tout le monde, pas seulement aux blancs, aux riches, aux hommes, aux hétéros, aux Américains est aux Européens.

Nonobstant tout ce tas de fumier coercitif, bureaucratique et arrogant, les anarchistes chrétiens sont attirés de manière bornée et inexorable par la personne de Jésus, à cette idée envahissante qu’un autre monde est tout à fait possible. Si Jésus a été proche de ce qui est dit de lui dans les textes, alors le royaume de dieu est bien vaste, inclusif et grandissant… tout comme nous pouvons l’être.

Et si la hiérarchie de l’église n’a pas l’amour, l’égalité et la justice pour modèle, pourquoi est-ce mon choix de quitter l’église ? La tradition catholique est vaste, diverse et bien belle ; elle m’est très chère, c’est chez moi. Comme l’a dit Dorothy Day, une autre catholique anarchiste : “Quant à l’église, où d’autre pourrions-nous aller si ce n’est vers la fiancée du Christ, sa chair ? Bien qu’elle soit pénible parfois, elle est notre Mère.”

NdR71 : nous sommes ici en désaccord total. La pourriture de l’église doit être larguée en rase campagne et les chrétiens doivent s’organiser hors église et lieu bidon d’adoration falsifiée. Il est clair que le Christ n’a pas fondé une “église”, mais une “ekklesia” ou communauté d’intérêt. Il n’y a absolument aucune raison de continuer de suivre cette mascarade ensoutanée de ces églises catholique comme protestante ou orthodoxe, qui ont trahi depuis toujours le message christique, qui pour nous, n’a pas besoin de tout un decorum mythologique pour être reconnu comme valide. Oui au message radical de Jésus, non à l’imposture de l’église, quelle qu’elle soit ! Il en va de même pour l’islam. Toute hiérarchie ecclésiastique est un non-sens total et preuve de la trahison du message originel.

Peut-être qu’être catholique et anarchiste veut dire d’embrasser les contradictions, de vivre dans la tension, le stress de ce qui est et ce que le pourrait. Dans le christianisme, ceci est l’essence de la foi et de l’espoir. Notre foi doit être vécue dans la réalité de ce qui est, même si cette réalité est arrogante et pouvoir oppresseur. Mais le royaume de dieu est praxis, une réflexion sur ce que pourrait être l’amour, l’ouverture, la tolérance, la justice et sur la résistance active ÷a ce qui est, dans la lumière de la foi et de l’engagement.

De fait, je ne saurais pas comment être un catholique sans être anarchiste et vice versa…

(*) Jon Hatch est un théologien, éducateur et activiste qui est diplômé d’un Master en Philosophie et a reçu son Ph.D (Doctorat) en théologie au Trinity College de Dublin. Il a 13 ans d’expérience dans le domaine de la paix, réconciliation et justice sociale en Irlande et en Irlande du Nord (Corrymeela Irish Peace Centers) et autres projets locaux. Il divise son temps entre l’Irlande et le Nord-Montana aux Etats-Unis.

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L’anarchisme chrétien sur Résistance 71

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« L’anarchiste et le chrétien ont une origine commune. »
F. Nietzsche