L’hygiène et la médecine moderne ont permis une augmentation sans précédent de l’espérance de vie pour l’humanité. Pourtant, en réalisant l'exploit de pouvoir sauver des patients atteints de maladies graves et chroniques comme le diabète ou les maladies cardiovasculaires, un nouveau problème est apparu : celui de l'espérance de vie en bonne santé.

La sédentarisation progressive de nos modes de vie et la transformation croissante de nos denrées alimentaires - sans évoquer les toxiques tels que l’alcool et le tabac, responsables de millions de morts par an dans le monde - favorisent l'apparition plus précoce de ces mêmes maladies chroniques, potentiellement graves et incurables ou difficiles à traiter, diminuant radicalement le temps passé en bonne santé à la fin de sa vie.

Selon plusieurs études comparant des populations aux modes de vie ancestraux et des populations industrialisées, la perte d'autonomieautonomie et la dégradation grave de la santé ne devraient intervenir qu'en toute fin de vie, au cours de la dernière année. Par exemple, les Hadza - une population de chasseurs-cueilleurs nomades de la Tanzanie centrale - ont un déclin faible de leur rapidité de marche, de leur force de préhension et de leur Vo2max (VolumeVolume d'oxygène maximum) au regard de leur âge. Cela suggère, selon les scientifiques, que la multiplication des morbidités pendant la vieillesse est une création de la combinaison entre la médecine moderne et le mode de vie sédentaire.

Selon une récente revue de littérature publiée dans The Journal of Applied Physiology par une équipe de scientifiques américains, cela s'explique par deux principaux facteurs (hors consommation de toxiques et maladies graves avec une forte composante génétique) : la sédentarisation et l'excès alimentaire.

Dès lors, l'exercice physiquephysique (surtout lui) et la restriction calorique (ou a minima une alimentation équilibrée) seraient les clés de voûte d'un vieillissement serein en bonne santé. Aussi curieux que cela puisse paraître, ils proposent une solution à ce problème en se basant sur une œuvre mythique des Monty PythonPython. 

« Ministry of silly walks », sketch mythique des Monty Python. © Park Exclusive, YouTube 

Le rôle unique de l’exercice, au-delà du poids

La plupart des études scientifiques démontrent que l'un des prédicteurs les plus robustes concernant la mortalité est la VO2max (la capacité maximale en oxygène que l'organisme peut utiliser par unité de temps) conditionnée par notre adaptabilité au niveau cardiorespiratoire et donc par notre pratique physique.

En effet, les chercheurs et chercheuses rappellent que l'exercice altère l'expression connue de plus de 9 800 entités circulantes (des transcriptes, métabolites, protéinesprotéines, lipideslipides). Le temps passé en mauvaise santé à la fin de sa vie est très souvent le fait de personnes en surpoids ou en situation d’obésité.

Par conséquent, l'une des stratégies des instances de santé publique est de se focaliser sur des interventions visant la perte de poids. Mais c'est aller un peu vite en besogne. La majorité des études montrent que ces interventions sont inefficaces à long terme, engendrant une variation cyclique du poids avec des périodes de perte et de gain, plus néfastes à long terme pour la santé métabolique.

De plus, la plupart des recherches suggèrent que c'est la pratique de l’exercice physique qui prodigue des bénéfices pour la santé et non sa conséquence sur la balance énergétique et en dernière instance sur le poids.

Les auteurs dénoncent un manque de prudence des médecins et une infiltration des idéaux esthétiques dans la pratique médicale car déjà, en 1998, un éditorial paru dans le New England Journal of Medicine alertait : « jusqu'à ce que nous ayons de meilleures données quant aux risques liés au surpoidssurpoids et aux bénéfices et aux risques liés à essayer de perdre du poids, nous devons garder à l'esprit que le traitement de l'obésitéobésité pourrait être pire que la condition elle-même ». Les auteurs et autrices de l'article militent donc pour des thérapiesthérapies neutres à propos du poids centrées sur l'amélioration des capacités cardiorespiratoires des individus. Par de nombreux mécanismes, les chercheurs évoquent aussi le potentiel protecteur de l'exercice sur les maladies neurodégénérativesmaladies neurodégénératives, l'une des principales causes de déclin lors du vieillissement. 

La restriction calorique, un allié à adopter avec prudence

Chez les individus avec une corpulence normale (dans un sens descriptif et non normatif), la restriction calorique - définit comme étant une réduction durable de l'apport énergétique sans compromettre l'adéquation nutritionnelle ou la qualité de l'alimentation - peut également être mobilisée face aux effets du vieillissement. Une étude colossale, mêlant essai cliniqueessai clinique et cohortecohorte d'observation, a été entreprise dès les années 2000 sous le nom de CALERIE pour Comprehensive Assessment of Long-term Effects of Reducing Intake of Energy.

En effet, nous disposions déjà de nombreux résultats chez le modèle animal laissant suggérer que la restriction calorique pourrait accroître les valeurs moyennes et maximales de la duréedurée de vie en bonne santé. Les différents objectifs de cette grande étude étaient de comparer des groupes sous restriction calorique et d'autres pouvant s'alimenter jusqu'à satiété et de suivre les résultats même après la fin des essais. La restriction calorique était de l'ordre de 25 %, un niveau jugé facilement atteignable sur le long terme. De nombreux bénéfices sur la composition corporelle, sur des marqueurs métaboliques et même sur des marqueurs cellulaires ont été observés.

La solution « Monty Python » face à l’échec des politiques publiques ? 

En se basant sur une étude publiée en 2022 dans le British Medical Journal, les auteurs et autrices de la revue rappellent que la marche loufoque de Mr Teabag - un personne du sketch « Le ministère des marches stupides » des Monty Python - permet de multiplier par 2,5 la Vo2max et l'énergieénergie dépensée en comparaison à une marche classique.

Fort du constat de l'échec des politiques publiques pour augmenter la pratique de l'activité physique dans la population et de l'idée qui veut que nous cherchons systématiquement à réduire le coût énergétique de nos actions, les chercheurs et chercheuses proposent une stratégie qu'ils pensent accessible, faisable et suffisamment divertissante et intéressante pour être adoptée et maintenue. Elle permettrait d'atteindre les objectifs de santé publique en matièrematière de dépense énergétique et d'amélioration des capacités cardiorespiratoires.

Cette solution est de généraliser la marche loufoque. Cela peut faire rire et c'est même l'un des arguments des scientifiques. Cette mesure pourrait véritablement faire la différence d'un point de vue de la santé publique en générant du bénéfice chez celles et ceux qui n'en auraient pas besoin. En somme, elles bénéficieraient à tout le monde, même si une évaluation des dangers devrait être entreprise, notamment pour les personnes âgées, afin de prévenir les risques de chute.

Néanmoins, les auteurs n'évoquent pas le risque de stigmatisation encore plus fort qui pourrait régner du fait de l'adoption de cette technique. Encore une fois, on assiste à l'avènement d'une solution intra-individuelle au lieu de répondre politiquement à un problème essentiellement causé par des inégalités systémiques de capital sportif, d'accès aux structures de remise en forme, de violences lors du parcours de soin... Si cette solution amuse et fait sourire, il est fort probable qu'elle ne soit que de la poudre aux yeuxyeux dans une société comme la nôtre.