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Stéphanie Thériault, une résidente de la région de Caraquet, au Nouveau-Brunswick, décrit son fils William comme une boule d’énergie, toujours de bonne humeur, un « petit clown ». Il a pourtant mis fin à ses jours, à l’âge de 16 ans, le 29 octobre 2022.
Que s’est-il passé? La séquence des événements, telle que reconstituée par sa famille et les enquêteurs, a révélé une fraude cruelle.
Sur Instagram, William Doiron conversait avec ce qu'il pensait être une adolescente de son âge. Rapidement, elle lui a demandé d’échanger des photos intimes, ce qu’il a fait.

William Doiron, 16 ans, s'est enlevé la vie après s'être fait arnaquer sur les réseaux sociaux.
Photo : Stéphanie Thériault
Mais une fois les photos de William transmises, le ton de l’adolescente a changé.
C’était en réalité un faux compte créé par des sextorqueurs qui l’ont menacé de relâcher les photos à son groupe d'amis s'il ne payait pas une somme estimée à 5000 $, raconte Mme Thériault.
William n’a rien révélé de la pression exercée sur lui. Sa mère et sa sœur n’ont rien remarqué. Il n’a pas payé la rançon. Les fraudeurs ont mis leur menace à exécution.
De ce que j'ai compris, ils ont fait un montage de ses photos de profil de médias sociaux et ils ont mis les photos intimes avec, explique sa mère, qui a refusé de les regarder.
Ça a l'air que les photos ont été relâchées, puis il y a certains de ses amis qui lui auraient dit : "William, il y a un problème, les photos circulent."
William s’est enlevé la vie trois jours après les premières menaces des fraudeurs.

Stéphanie Thériault est la mère de William Doiron, qui s'est enlevé la vie en octobre 2022 après s'être fait arnaquer sur les réseaux sociaux.
Photo : Radio-Canada
Martin Primeau, gendarme enquêteur de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) à Tracadie, a mené l'enquête sur la mort de William Doiron. N’ayant pas accès immédiatement au contenu du téléphone de la victime, c’est grâce à l'aide des amis de l’adolescent qu’il a découvert le stratagème.
On a envoyé une autorisation judiciaire à Meta, à Instagram, pour avoir des détails sur la provenance du suspect. On a obtenu une adresse IP qui était en Afrique, explique M. Primeau.
Une fois qu'on a eu épuisé toutes les ressources à la disposition de l'enquête de terrain, on a envoyé le dossier à Interpol à Ottawa pour continuer à l'international, ajoute-t-il. À partir de ce moment-là, je n'ai plus d'options pour continuer l'enquête à mon niveau. C'est ce que j'ai partagé avec la famille.
Un reportage de François Sanche et de Stéphanie Desforges à ce sujet sera présenté à l’émission La facture, diffusée sur ICI Télé le mardi à 19 h 30 (20 h 30 HA).
La pire arnaque du monde
Au Canada, la fraude par sextorsion a commencé à prendre de l’ampleur pendant la pandémie de COVID-19 et n’a cessé de croître depuis.
Cyberaide.ca, un site de signalement des cas d’exploitation et d’abus sexuels d’enfants sur Internet, a reçu près de 2500 plaintes en 2024, dont les trois quarts provenaient de mineurs. Il s’agissait de garçons dans 85 % des cas.
Les chiffres des neuf premiers mois de 2025 laissent entrevoir que ce nombre sera plus élevé cette année. Et tous les cas ne sont pas signalés, rappelle Martin Primeau.
Paul Raffile, un expert en cybercriminalité, dit avoir lu de nombreux échanges dans lesquels les fraudeurs exercent une forte pression sur les jeunes victimes.
"Tu seras renvoyé de l’école si tu ne collabores pas." "Je vais ruiner ta vie, et si tu me bloques, je vais envoyer ces photos à tous tes amis, ta famille, tes coéquipiers", décrit-il, en entrevue à l’émission Marketplace, de CBC.
C’est la pire arnaque du monde, s’exclame M. Raffile.
On s’attaque à des enfants, on les piège dans des situations sexuellement compromettantes, on les exploite et on les fait chanter. Et dans certains cas, des enfants se sont enlevé la vie. Aucune autre arnaque ne s’approche de ça.
Tous les adolescents victimes de ce piège ne commettent pas l’irréparable. Mais depuis 2022, on déplore cinq suicides d’adolescents liés à la sextorsion, au Canada.
Cela inquiète la mère de William, dont la prise de conscience sur ce phénomène a été brutale. Pour moi, ça ne pouvait pas arriver, ces choses-là, par ici. C'était juste à la télévision. On dirait qu'on n'était pas allumé, qu'on ne pensait pas que ça pouvait arriver ici aussi.
Paul Raffile est critique à l’endroit des plateformes numériques comme Instagram, Snapchat ou TikTok.
Ces plateformes gagnent de l'argent grâce au nombre d'utilisateurs actifs, insiste-t-il. Au final, c’est un problème de faux comptes. Et beaucoup de ces plateformes ne font rien contre cela. Elles permettent aux utilisateurs de créer l'identité de leur choix. Plusieurs d’entre elles n’exigent même pas d’adresse courriel ou de numéro de téléphone.

Paul Raffile est un expert en cybercriminalité qui a longuement étudié la fraude par sextorsion.
Photo : CBC
Interpellés à ce sujet, les géants du numérique refusent vigoureusement d’admettre qu’ils n’en font pas assez. Meta, Snap et TikTok soutiennent faire enquête de façon proactive, publier des avertissements et supprimer les comptes suspects quand les utilisateurs les signalent.
Les plateformes tiennent à préciser que l’exploitation sexuelle contrevient à leurs conditions d’utilisation.
Un rapport publié en mai dernier par Interpol indique qu’au deuxième trimestre de 2024, Meta a supprimé plus de 63 000 comptes Instagram et 7000 entités Facebook liés à des opérations de sextorsion numérique au Nigeria.
Selon Interpol, bien qu'il ne soit pas clair quand ces comptes ont été identifiés pour la première fois, l'ampleur de l'action suggère soit une forte escalade de l'activité de menace, soit une pression externe croissante sur les plateformes pour qu'elles réagissent – deux indicateurs significatifs de la croissance de ce crime.
Dans sa réponse à CBC, Meta souligne que les comptes d'adolescents peuvent être supervisés par leurs parents.
Une autre vie détruite
Une mesure jugée insuffisante par Barbie Layvers et Carl Burke, résidents de Bay Fortune, à l'Île-du-Prince-Édouard. Leur fils Harry, 17 ans, qui venait de s'engager dans les Forces canadiennes, a également été victime de sextorsion.
Dans l’esprit de Harry, tout ce pour quoi il a travaillé fort était perdu, regrette son père. Il a cru que cela ruinerait ses chances d’être accepté au Collège militaire royal et de devenir officier.

Harry Burke, 17 ans, a mis fin à ses jours après avoir partagé des photos intimes avec des fraudeurs.
Photo : CBC
Le 24 avril 2023, Harry s'est enlevé la vie, 12 heures après avoir reçu les premières menaces de diffusion de ses photos intimes à son entourage.
Depuis, Carl Burke a rencontré plus de 5000 élèves dans le cadre de conférences scolaires de sensibilisation.
Et il ne décolère pas contre les plateformes numériques. Elles n’en font pas assez. La seule façon de les faire changer est de les forcer à le faire.
En entrevue téléphonique, le ministre fédéral de la Justice, Sean Fraser, a promis d’agir.
Ce que les Canadiens verront bientôt, c'est une nouvelle loi criminelle qui abordera le leurre d’enfants, le partage non consensuel d'images intimes, l’hypertrucage, et qui traitera spécifiquement de l'exploitation sexuelle et de l'extorsion en ligne des enfants, en plus de nouveaux outils que nous voulons donner aux forces de l'ordre pour prévenir ce crime, a-t-il assuré.
Cette nouvelle loi, inspirée du projet de loi C-63 abandonné lors du déclenchement des élections fédérales au printemps dernier, donnerait aux médias sociaux la responsabilité de réduire l’exposition des jeunes aux contenus préjudiciables sur leurs plateformes.

Carl Burke et Barbie Layvers ont perdu leur fils Harry, qui s'est enlevé la vie après s'être fait avoir par des fraudeurs.
Photo : CBC
Pour Carl Burke, ce serait le début d’une solution.
Nos vies ne seront plus jamais les mêmes et ça me dégoûte de voir le peu d’attention que les médias sociaux accordent à ce problème. Leurs dirigeants, eux, rentrent chez eux, le soir, voir leurs enfants. Pas nous. On regarde une chaise vide, et notre fils est dans une urne à côté de notre lit.
Stéphanie Thériault, la mère de William, exhorte les parents à parler à leurs garçons.
Je pense qu’il nous pousse d'en haut à continuer d’avancer, confie-t-elle. Si ça peut sauver une seule personne qui n'a pas à vivre ce que nous autres on a vécu… Parce que zipper le sac mortuaire de ton enfant, c'est vraiment pas drôle.