Le Dr Vinay Prasad, responsable des vaccins à la Food and Drug Administration (FDA, Agence des produits alimentaires et médicamenteux), nommé par le secrétaire à la Santé Robert F. Kennedy Jr., a personnellement rejeté les recommandations d'une trentaine de scientifiques de la FDA afin de restreindre l'accès aux vaccins contre le COVID-19, ce qui représente un incroyable violation protocole scientifique. Des documents internes publiés cette semaine révèlent que le personnel de la FDA avait conclu que les bénéfices des vaccins à ARNm de Moderna et à base de protéines de Novavax l'emportaient sur les risques pour tous les Américains de 12 ans et plus, après analyse d'essais cliniques approfondis.

Au lieu de suivre les procédures scientifiques établies, Prasad a publié des « notes de services outrepassant» cette conclusion en limitant ces vaccins aux Américains de 65 ans et plus et aux personnes souffrant de problèmes de santé sous-jacents. Il a justifié cette décision par le mensonge que « même les effets indésirables rares liés à la vaccination, connus ou inconnus, ont désormais plus de chances de l'emporter sur les bénéfices potentiels ». Ces affirmations contredisent directement les preuves scientifiques examinées par ses propres équipes, notamment les données des CDC (Centres de contrôle et prévention des maladies) qui montrent que le COVID-19 continue d’être responsable d’entre 32 000 et 51 000 décès officiels chaque année rien qu'aux États-Unis.

Les hauts dirigeants de la FDA ne s'impliquent généralement pas dans les évaluations individuelles des produits, et de telles exceptions sont extrêmement rares. Les actions de Prasad créent un dangereux précédent : des personnalités politiques peuvent rejeter unilatéralement des preuves scientifiques qui contredisent leurs positions idéologiques, sapant ainsi fondamentalement la crédibilité de la FDA en tant qu'organisme de réglementation guidé par une médecine basée sur les preuves.

Les actions de Prasad doivent être comprises dans le contexte du démantèlement systématique par Kennedy du système de conseil vaccinal américain. Le mois dernier, ce dernier a révoqué les 17 membres du Comité consultatif sur les pratiques de vaccination (ACIP), le groupe d'experts indépendants qui guide la politique vaccinale depuis 1964. Ce «coup de balai» a violé les assurances données précédemment par Kennedy au Congrès et fut la première fois en 61 ans d'histoire que le comité était entièrement démis de ses fonctions.

Le nouveau comité consultatif anti-vaccins (ACIP) est composé de charlatans anti-vaccins notoires, comme le Dr Robert Malone, qui a répandu de fausses allégations que les vaccins contre le COVID-19 pourraient causer des lésions cérébrales et une stérilité chez les enfants, et le Dr Martin Kulldorff, co-auteur de la Déclaration de Great Barrington – le manifeste de l'«immunité collective» – renvoyé de Harvard pour avoir refusé la vaccination contre le COVID-19. Sous la direction de Kulldorff, le comité reconstitué a annoncé son intention de revoir l'ensemble du calendrier vaccinal infantile, en prenant pour cible des vaccins qui protègent les enfants depuis des décennies.

L'Académie américaine de pédiatrie (AAP) a boycotté toutes les réunions de l'ACIP, déclarant que le processus n'était «plus crédible». La présidente de l'AAP, le Dr Susan Kressly, a résolument déclaré: «Nous ne prêterons pas notre nom à un système politisé au détriment de la santé des enfants.»

Les conséquences pratiques sont immédiates et graves. La couverture vaccinale dépend des recommandations des CDC qui découlent des orientations de l'ACIP. Le comité étant désormais composé d'idéologues anti-vaccins, les enfants en bonne santé et les femmes enceintes risquent de perdre l'accès aux vaccins contre le COVID-19, obligeant les familles à payer de leur poche entre 136 et 230 dollars par dose. Pour une famille de quatre personnes souhaitant se faire vacciner complètement, le coût pourrait atteindre 900 dollars, un coût hors de portée de la grande majorité de la population américaine.

L'offensive du gouvernement Trump contre la science s'étend bien au-delà des frontières des États-Unis et menace de déclencher une catastrophe sanitaire mondiale qui fera des millions de victimes dans les années à venir. Trois retraits simultanés – de l'Organisation mondiale de la santé, de l'USAID et de l'Alliance vaccinale Gavi – représentent un abandon coordonné du rôle des États-Unis dans les initiatives de santé mondiale, ce qui aura des conséquences dévastatrices pour les populations les plus vulnérables.

Une étude extrêmement innovante publiée lundi dans The Lancet fournit l'évaluation la plus complète à ce jour du coût humain de cette politique. Analysant les données de 133 pays sur deux décennies, les chercheurs ont constaté que les programmes de l'USAID ont permis à eux seuls d'éviter 91 millions de décès entre 2001 et 2021, dont 30 millions d'enfants de moins de cinq ans. L'action de l'agence a été associée à une réduction de 65 pour cent des décès liés au VIH/sida (25,5 millions de vies sauvées), de 51 pour cent des décès dus au paludisme (8 millions de décès) et de 50 pour cent des décès dus aux maladies tropicales négligées (8,9 millions de vies).

Si l'USAID a fourni une aide vitale et sauvé des millions de vies, elle a toujours fonctionné comme un instrument de l'impérialisme américain (article en anglais), usant du «soft power» pour asseoir sa domination, réprimer les mouvements populaires et imposer des politiques pro trusts dans le monde entier. Le démantèlement de l'USAID par le gouvernement Trump ne constitue pas une rupture d’avec cet héritage, mais bien plutôt la fin de toute prétention humanitaire, avec des conséquences catastrophiques pour les plus pauvres dans le monde alors que la famine et les maladies se propagent sans contrôle.

La baisse de 83 pour cent des programmes de l'USAID menace d'annuler deux décennies de progrès en matière de santé publique dans les pays à revenu faible et intermédiaire. L’étude du Lancet prévoit que si les coupes budgétaires actuelles se poursuivent jusqu'en 2030, plus de 14 millions de décès supplémentaires surviendront, dont 4,5 millions d'enfants de moins de cinq ans, soit l'équivalent de 700 000 décès d'enfants supplémentaires par an. Comme l'ont souligné les auteurs de l'étude, « pour de nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire, le choc qui en résulterait serait d'une ampleur comparable à celle d'une pandémie mondiale ou d'un conflit armé majeur. »

Le retrait de Kennedy de l’Alliance vaccinale Gavi, annoncé la semaine dernière, aggravera encore la crise sanitaire mondiale. Gavi a vacciné plus de 1,1 milliard d'enfants depuis 2000, évitant ainsi 18,8 millions de décès. Les modèles de Gavi prévoient que la perte du financement américain pourrait faire que 75 millions d'enfants ne sont pas vaccinés, causant 1 million de décès évitables ces cinq prochaines années. Médecins sans frontières a averti que «d'innombrables enfants mourront de maladies évitables grâce à la vaccination», car plus de la moitié des vaccins utilisés dans les situations humanitaires provenaient de fournitures achetées par Gavi.

Le retrait de Trump de l'OMS supprime la part de 15 pour cent des États-Unis dans le budget de l'organisation, ce qui paralyse les capacités mondiales de surveillance des maladies et de réponse aux épidémies. Jesse Bump, de Harvard, a averti que « des catastrophes sanitaires qui n'auraient pas dû se produire se produiront, car ces capacités n'existent plus ».

L’effet combiné de ces trois retraits des alliances mondiales de santé publique menace de créer un effondrement des infrastructures de santé, dont les retombées les plus lourdes seront supportées par les populations les plus pauvres du monde, qui dépendent le plus de l’aide internationale.

L'attaque systématique par le gouvernement Trump des institutions scientifiques représente plus qu'un désaccord politique : elle constitue une offensive fasciste contre les fondements mêmes de la civilisation moderne. Comme seul le World Socialist Web Site en a constamment averti, ces attaques découlent de la crise terminale du capitalisme américain et du tournant autoritaire de la classe dirigeante.

La lutte pour la science est devenue un enjeu crucial dans la lutte des classes de l'époque moderne. Chaque aspect de la société contemporaine – de la sécurité de l'approvisionnement alimentaire et de l'eau au développement de médicaments vitaux – dépend de la recherche scientifique et d’une politique basée sur des données probantes. La classe dirigeante capitaliste, confrontée à une crise sans précédent, cherche à confiner ces avancées au seul service de l'oligarchie, tout en abandonnant les masses à des conditions de barbarie inédites depuis la montée du fascisme dans les années 1930.

L'offensive du gouvernement Trump contre les vaccins – qui ont permis d'éviter 154 millions de décès dans le monde depuis 1974 – représente une tentative délibérée de faire reculer la société, sacrifiant les vies humaines sur l'autel du profit des grandes sociétés. Seules l'unification internationale de la classe ouvrière et la reconstruction de la société sur des bases socialistes peuvent garantir des infrastructures de santé publique entièrement financées et le développement de la science pour toute l'humanité.

(Article paru en anglais le 4 juillet 2025)