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Léon Tolstoï, vision d’un anarchiste chrétien (Alexandre Christoyannopoulos)

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“Le christianisme en son véritable sens met un terme à l’État. Ceci fut bien compris dès le début et pour cela le Christ fut crucifié.”
~ Leon Tolstoï ~

Léon Tolstoï, l’anarchiste chrétien péculier

Alexandre Christoyannopoulos*

2006

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

Juin 2025

(*) Alexandre Christoyannopoulos, maître de conférences en politique et relations internationales à l’université de Loughborough, Angleterre. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont le tout à fait remarquable « L’anarchisme chrétien, un commentaire politique de l’évangile », Atelier de création libertaire, 2022, que nous compilerons bientôt.

Même pour un chrétien anarchiste, la lecture de la bible de Léon Tolstoï fut inhabituelle. Lorsqu’il s’est “converti” au christianisme vers son 50ème anniversaire, il n’a pas embrassé le christianisme orthodoxe de l’église traditionnelle. Pour lui, Jésus n’est pas “le fils de dieu”, il n’a pas non plus fait ces miracles surnaturels.Tolstoï était convaincu que ces histoires de superstition de la bible avaient été ajoutées par l’église afin de maintenir les chrétiens dans un état “hypnotique” pour s’assurer qu’ils ne questionnent pas le compromis injustifiable que l’église avait atteint avec l’État. Il était convaincu qu’une application complète et honnête du christianisme ne pouvait mené qu’à une société sans état et sans église et que ceux qui disaient le contraire n’étaient que des hypocrites déviants.

Conversion au christianisme

Tolstoï est né en 1828 dans une famille aristocrate russe riche. Dans les années 1850, il s’est graduellement établi comme un romancier plus que respectable. Ses deux œuvres les plus connues “Guerre et paix” et “Anna Karénine” furent respectivement écrites entre 1863 et 1869 et 1873 et 1877.

Mais en 1869, sa vie commença à changer. Pendant un voyage dans une lointaine contrée russe, il fit l’expérience agonisante de la mortalité humaine. Au milieu d’une nuit, il fut saisi d’un sens très profond de la futilité de toutes actions ou projets puisque la mort ne serait en fin de compte que le seul résultat. Ce n’était pas la mort en elle-même qui l’horrifia, mais le fait que la vie semblait n’avoir aucun sens du fait de l’inéluctabilité de la mort.

Cette expérience bouleversante le hanta encore plus les dix années qui suivirent. Comme il l’explique dans “Une confession”, il rechercha de plus en plus et sans relâche le sens de la vie chez les grands penseurs de la science, de la religion et de la philosophie, en vain. Nulle part ne put-il trouver quelque chose lui donnant un sens et une valeur à la vie. Il contempla alors le suicide.

Puis vint une épiphanie. Il observa que les paysans autour de lui, ceux là même qu’il avait essentiellement ignorés de par sa condition d’aristocrate, semblaient avoir une approche très calme et sereine de la mort. Mais pourquoi donc ? Qu’est-ce qui pouvait bien donc les aider à demeurer sereins face à l’apparente futilité de la vie ? Tolstoï comprit alors que ce qu’ils avaient était “la foi”. Ceci intrigua Tolstoï, et lui donna espoir en même temps. Ainsi donc, il se plongea dans l’étude de la bible avec un enthousiasme renouvelé, avec l’espoir que cette fois-ci, le sens de la vie lui serait révélé et il le fut dans une grande mesure.

Le sermon sur la montagne

La révélation lui vint soudainement alors qu’il réfléchissait sur un passage célèbre et bien spécifique de la vie de Jésus… “Le sermon sur la montagne”. Ce passage, déclare Tolstoï dans “Ce en quoi je crois”, déverrouilla pour lui tout le sens profond des évangiles et ainsi, son anxiété existentielle disparut. Ces mots des plus importants se trouvent dans l’évangile de Matthieu 5:38-42

38 Vous avez appris qu’il a été dit : Oeil pour oeil, dent pour dent. 39 Eh bien moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant ; mais si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre. 40 Et si quelqu’un veut te faire un procès et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau. » 41 Et si quelqu’un te réquisitionne pour faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. 42 Donne à qui te demande ; ne te détourne pas de celui qui veut t’emprunter.

(NdT : lire le texte complet de “L’évangile de Saint Matthieu” si brillamment mis en scène par Pier Paolo Pasolini dans son film de 1964 )

Pour Tolstoï, les implications de ces instructions ne furent rien d’autre que révolutionnaires. Jésus proposait une nouvelle méthode plus radicale plus sage pour que les êtres humains répondent à toute forme de “mal”. C’est à dire que lorsque contraint et forcé ou traité avec la plus grande injustice, ne pas répliquer, mais répondre avec amour, pardon et générosité.

Tolstoï réfléchît alors sur le conseil de Jésus et observa que l’humanité avait toujours été coincée dans le cercle vicieux de la réponse au mal et à la violence par le mal et la violence. Les êtres humains tentent toujours de résister au mal par le mal, de gérer violemment les problèmes de violence, de faire la guerre afin d’empêcher une autre guerre. Mais que de telles réponses ne faisaient que disséminer plus avant amertume, colère et ressentiment et que tout cela ne faisait que garantir toujours plus de mal, de violence et de souffrance au fil du temps.

Tolstoï comprenait maintenant que le seul remède à ce cercle vicieux de la violence était de lui juxtaposer le cercle vertueux de l’amour si bien articulé dans les paroles de Jésus. Le cycle destructeur du mal, de la colère et de la vengeance ne peut être dépassé que par un patient cycle d’amour, de pardon et de sacrifice. Tendre l’autre joue veut dire plus de souffrance dans le court terme, mais l’espoir est qu’éventuellement, le malfaisant va se repentir et changer sa façon d’être et de faire. De la même manière que la violence est contagieuse, l’amour l’est aussi.

Pourtant cela voulait aussi dire comme Tolstoï le comprenait, qu’on devait abandonner le désir de forcer les autres à se comporter d’une certaine manière. Il ne peut pas y avoir de différence entre la fin et les moyens : la violence amène à toujours plus de violence et seul l’amour peut éventuellement amener une société liée par la charité, la compassion, l’entraide, la paix et l’amour. Et l’amour ne peut être enseigné qu’en en donnant l’exemple. Ceci demande du courage, parce que lorsqu’on est persécuté ou victime d’injustice, le suiveur du message du Christ doit patiemment aimer et pardonner, même si le prix ultime à payer est la mort (ou pour lui la crucifixion)

Cela, pour Tolstoï, est l’essence même du message de Jésus à l’humanité. C’est ce qu’il a enseigné au cours de son ministère et c’est ce qu’il a fait et démontré au cours de sa courte vie et de sa mort. Et le plus éloquent résumé de cette règle d’amour et de non-résistance est ce superbe passage du “Sermon sur la montagne”.

Certains bien sûr diront que cette vision est utopique et irréaliste, mais de ce point de vue dans son “Ce en quoi je crois” (p.18-19) voici ce que Tolstoï a à dire :

On peut affirmer que le succès constant de cette règle est difficile et que chaque humain  peut ne pas y trouver de bonheur à y obéir ; on peut croire que cela est idiot, que Jésus était en fait un visionnaire idéaliste dont les règles impraticables ne furent suivies que par ses stupides disciples. Mais il est impossible de ne pas admettre que Jésus a dit très clairement et de manière définitive ce qu’il avait l’intention de dire, c’est à dire : les hommes ne doivent pas résister au mal et donc que ceux qui acceptent son enseignement ne peuvent pas résister.”

Donc, d’après Tolstoï, seuls les hypocrites nient que le cœur de l’enseignement de Jésus fut d’appeler à la non-résistance au mal, quelle que soit sa définition.

Des institutions non chrétiennes

Si cela est l’essence du christianisme, alors pour Tolstoï, les chrétiens doivent reconsidérer leur relation avec l’État. Dans le sermon sur la montagne, Jésus a enseigné à ses suiveurs de ne pas prêter serment, de ne pas juger et de ne pas résister. L’État demande un serment d’obéissance, juge ses citoyens et résiste à la fois aux criminels intérieurs et aux ennemis extérieurs (NdT : souvent les mêmes aujourd’hui…) De plus, l’état utilise la violence pour imposer ses lois et maintenir ses citoyens sous une forme d’esclavage économique. Ainsi donc conclut Tolstoï, l’État est une institution non-chrétienne.

De plus, si les chrétiens agissaient vraiment de la façon enseignée par Jésus, s’ils avaient des interactions sociales gouvernées par l’amour, le pardon et la compassion, il n’y aurait alors aucun besoin d’un état. Les gens s’aideraient les uns les autres et partageraient toutes les nécessités de la vie. Le principe directeur de la société serait l’amour et non pas une “justice” fictive mise en place et appliquée par un état brutal et dominateur.

Ainsi donc pour Tolstoï, le christianisme et l’état sont deux visions incompatibles de la société. On ne peut pas être à la fois un honnête chrétien et reconnaître en même temps la légitimité (factice) de l’État, à la fois parce que l’État contredit le conseil clair de Jésus et parce que si les recommandations de Jésus étaient mises en pratique, alors l’état et ses institutions deviendraient obsolètes.

Mais alors pourquoi dit-on aux chrétiens de faire allégeance à l’État ? Pour Tolstoï, la réponse est des plus claires : depuis l’empereur Constantin, l’église officielle a trahi le christianisme en se nichant de manière hypocrite avec le pouvoir étatique. Tolstoï a donc parfaitement raison lorsqu’il fustige tant l’église que l’état. Il accuse les autorités de l’église et de l’état de conspirer afin de maintenir leur pouvoir en perpétuant un savant mélange de mensonges et de violence “légitime” pour maintenir les chrétiens sous hypnose et soumis. Il utilise un langage très fort contre l’église, parce qu’il considère que celle-ci a trahi les enseignements de Jésus en choisissant de se focaliser sur des rituels et sur la superstition plutôt que sur le message central résumé dans “Le sermon sur la montagne”. Pour lui, l’attitude à la fois de l’église et de l’état va à l’encontre de l’enseignement de Jésus et sont donc des institutions non-chrétiennes, qui deviendront absolument obsolètes dans une véritable société chrétienne.

Dans les trente dernières années de sa vie, Tolstoï a écrit sans répit dix livres, des articles et des pamphlets, sur la religion et la politique dans l’espoir qu’il pourrait réveiller ses coreligionnaires chrétiens à l’essence véritable du christianisme. Ses critiques virulentes des autorités de l’état et de l’église ont fait qu’il fut souvent censuré, mais ses écrits furent publiés à l’étranger et circulèrent à la fois en Russie et ailleurs. Les Russes le respectèrent pour avoir tenu tête au tsar, il reçût beaucoup de lettres (incluant une correspondance avec Gandhi) et bien des visites de l’extérieur, de personnes s’enquérant de sa vision et interprétation du christianisme. Il devint une personnalité internationale importante au début du XXème siècle jusqu’à aujourd’hui, même s’il n’est souvent cité que pour ses romans célèbres qu’il écrivit avant sa “conversion” au christianisme.

Un christianisme rationnel

Dans le même temps, sa compréhension du christianisme n’allait pas sans problèmes. Il eut sans doute raison d’attirer l’attention sur une dimension bien négligée de la bible et des évangiles, mais son interprétation de la métaphysique inhérente demeure inacceptable pour bien des chrétiens aujourd’hui. Pourquoi ? Parce que dans sa volonté de purger ce qu’il voyait comme une version corrompue de l’enseignement de Jésus, Tolstoï imposait une vision très rationnelle du christianisme, une vision où il n’y a nulle place pour les mystères, les rituels ou les traditions.

Dans sa quête du sens de la vie, La seule torche de Tolstoï fut la lumière de la raison du XIXème siècle. S’il fut subjugué par le message de Jésus, ce fut parce qu’il en vont à croire que Jésus fut simplement le plus rationnel des enseignants humains ayant jamais marché sur cette planète et non pas cet incroyable “fils de dieu” dont le corps fut rescucité et s’envola vers le ciel. Tolstoï pensait que les mystères traditionnels comme la divinité de Jésus, la virginité de Marie, les miracles et les résurrections étaient soit non-sens total ou pouvaient être rationalisés pour s’en débarrasser.

Pour lui, la bible était saupoudrée de superstitions improbables faites pour divertir l’attention du lecteur des enseignements rationnels qu’elle contenait. C’est pourquoi Tolstoï a réécrit les évangiles (un résumé) : il y élimina tous les additifs irrationnels, harmonisa tous les conflits et réarrangea la vie de Jésus en un narratif chronologique logique. Dans cet évangile d’après Léon Tolstoï, il n’y a pas de miracles surnaturels, la lumière de la raison y figure de manière importante et le texte se termine avec Jésus mourant sur la croix, pas de résurrection fantasmagorique dans cette version…

Ainsi Tolstoï réduisait la religion à la moralité et pour lui, le code moral le plus éloquent jamais articulé par un être humain était “Le sermon sur la montagne” de Jésus. Il suspectait que tous les mystères théologiques et les dogmes avaient été rajoutés par des autorités religieuses et/ou étatiques trompeuses. Ainsi il avertissait que l’on devait lire à la fois la bible et ses affirmations théologiques avec beaucoup de précaution, en filtrant toute proposition faite par le test précieux de la raison.

Ainsi, Tolstoï ne crut jamais en la vie après la mort. Ce qui apaisa son agitation existentielle est difficile à comprendre, encore plus à décrire, parce qu’il ne l’explique pas très bien en fait. Mais cela a à voir avec la compéhension qu’il y a quelque chose d’infini au delà du fini et que la “foi” en cela donne une connaissance du sens de la vie. Ce qu’est cet “infini” demeure néanmoins obscur. Cela semble relié à la fois à la raison et à l’amour, mais cela n’est pas clairement défini dans ses écrits.

En fait, le fait est qu’il n’a pas trouvé une sorte de “sens de la vie” dans sa compréhension rationnelle du christianisme. Il pouvait maintenant voir un sens à la vie, qui était de tenter de vivre dans l’enseignement de Jésus, de répondre à tout mal en le dépassant par le pouvoir contagieux de l’amour. Ceci, pensait-il, serait le seul chemin pour un véritable progrès dans les relations humaines.

Sa version du christianisme sera inconfortable à ceux qui croient sincèrement aux mystères divins et que ceux-ci ne peuvent être révélés qu’au gré d’une contemplation patiente et de rituels diligents. Et les critiques peuvent bien avoir raison de se méfier de son interprétation extrême presque fondamentale du christianisme. Pourtant, la contribution de Tolstoï à l’anarchisme chrétien demeure d’une grande valeur car elle attire l’attention sur les implications politiques négligées du “Sermon sur la montagne” et sur ce sujet, il écrivit bien et abondamment. Son interprétation du christianisme fut peut-être péculière, mais son travail et sa recherche font de lui une voix éminente dans la littérature anarchiste chrétienne d’aujourd’hui.

Liste des références

Tolstoy, Leo. A Confession and Other Religious Writings. Translated by Jane Kentish. London: Penguin, 1987.

––––––––. A Confession and the Gospel in Brief. Translated by Aylmer Maude. London: Humphrey Milford, 1933.

––––––––. Essays from Tula. [Translated by Free Age Press.] London: Sheppard, 1948.

––––––––. The Kingdom of God and Peace Essays. Translated by Aylmer Maude. New Delhi: Rupa, 2001.

––––––––. On Life and Essays on Religion. Translated by Aylmer Maude. London: Humphrey Milford, 1934.

––––––––. What I Believe. [Translated by Fyvie Mayo?] London: C. W. Daniel, n.d.

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Voir notre page “Léon Tolstoï, politique et religion”

Léon Tolstoï sur Résistance 71

Christianisme et anarchisme

Islam et anarchisme

Taoïsme et anarchisme

Le sermon sur la montagne

This entry was posted on 12 juin 2025 at 3:27 and is filed under actualité, altermondialisme, autogestion, documentaire, militantisme alternatif, pédagogie libération, philosophie, politique et social, résistance politique, société des sociétés, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , . You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed. You can leave a response, or trackback from your own site.

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