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Des États-Unis à l’Australie, des musiciens indépendants se sont succédé cet été pour annoncer qu’ils quittaient la plateforme Spotify devant les récents investissements de son p.-d.g., Daniel Ek, dans l’industrie militaire. Un mouvement qui commence à interpeller certaines maisons de disques et des musiciens québécois. État des lieux.
Quand Spotify s’est implanté au Canada en 2014, Jean-Patrice Rémillard, Pheek de son nom d’artiste, a rapidement rejoint la plateforme et faisait partie des artistes optimistes envers les promesses de ce nouveau modèle. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Début juillet, le musicien et producteur de musique électronique a annoncé qu’il retirait son catalogue de l’application après que le média américain CNBC eut rapporté quelques semaines plus tôt que la société de capital de risque Prima Materia, dont le p.-d.g. et fondateur de Spotify, Daniel Ek, est copropriétaire, avait investi 600 millions d’euros (près de 960 millions de dollars canadiens) dans Helsing, une jeune compagnie militaire allemande spécialisée dans la technologie de combat et et de drones par intelligence artificielle.
Photo: Catherine Trudeau - Studio Le Point Rose
L’artiste Jean-Patrice Rémillard, alias Pheek
« J’ai compris qu’un investissement dans le militaire impliquerait que, peut-être, quelqu’un qui apprécie ma musique pourrait mourir d’une technologie que j’ai financée par ma musique et dont les redevances ne me reviennent pas. », explique M. Rémillard. Avec environ 55 000 d’écoutes l’an dernier sur Spotify, ce qui lui a donné un maigre 130 $ avant redevances, le musicien estime que des plateformes comme Bandcamp ou celle de Subvert, plus récente, peuvent lui permettre d’engranger d’autres revenus et de rejoindre de nouveaux auditeurs.
« Je me suis ramené à 2013 : si j’avais su que la musique que je mettais en ligne et le média que je prônais avaient des affiliations militaires, est-ce que j’y aurais participé ? La réponse est venue spontanément : c’était non », explique-t-il.
Peu visible au Québec, cet exode a pris une ampleur sur la scène musicale indépendante anglophone depuis la fin juin. Les groupes américains Deerhoof et Xiu Xiu, ou encore le populaire groupe australien King Gizzard&the Lizard Wizard, qui cumule près d’un million d’écoutes par mois sur Spotify, font partie des artistes connus qui ont annoncé leur départ de Spotify pour protester contre l’investissement militaire de Daniel Ek, mais aussi, plus largement, contre le traitement et la rémunération des artistes par la plateforme. Ce fut ensuite au tour du groupe canadien Cindy Lee (finaliste au prix Polaris 2014), peu présent médiatiquement, de retirer de la plateforme ce qu’il restait de son catalogue le 1er août dernier.
« Si le prix à payer pour la “découvrabilité” [de notre musique] est de laisser les oligarques inonder la planète d’armes informatisées, nous allons passer notre tour sur les avantages supposés [de Spotify] », écrivait notamment sur Instagram le groupe américain Deerhoof, en dénonçant le réarmement militaire qui s’observe à l’échelle internationale.
L’ombre de la précarité
Plusieurs maisons de disques ou de gérance québécoises contactées par Le Devoir ont refusé de commenter le boycottage qui s’est amorcé cet été. Certaines, au contraire, ont confirmé que cet exode avait suscité des discussions à l’interne sur la présence de leur maison de disques sur Spotify. Et sur de possibles actions à poser.
« Nous avons beaucoup plus d’artistes qui nous font part de leur position et qui nous écrivent pour nous dire : si jamais vous décidez de retirer l’ensemble du label de Spotify, je vous soutiendrai à 100 % », affirme Ian Ilavsky, cofondateur de la maison de disques montréalaise Constellation, qui se consacre depuis près de 30 ans à la musique expérimentale d’ici et représente notamment Godspeed You ! Black Emperor. Il indique qu’une annonce de sa compagnie concernant Spotify est à venir au début de l’automne. « On essaie de voir dans quelle mesure on peut créer de la solidarité entre les artistes du label. »
M. Ilavsky explique que la présence de leur maison de disques ou des artistes sur Spotify relève moins des retombées économiques que de la visibilité qu’offre la plateforme auprès des fans ou des agents de booking, surtout pour des artistes expérimentaux ou de la relève.
Photo: Agence France-Presse
Le fondateur de Spotify, Daniel Ek
« Environ 90 % de nos artistes reçoivent très, très peu de revenus provenant des services de musique en continu […] Beaucoup d’entre eux obtiennent quelques milliers d’écoutes par chanson, voire 50 000 écoutes pour un album. Cela représente 100 $, 200 $ » sur Spotify, affirme le cofondateur de Constellation, critique du système de redevances qui se veut défavorable pour les artistes. Il fait valoir que la vente de vinyles et d’albums en magasin ou sur Bandcamp constitue une source de revenus nettement plus importante.
Il reste que la précarité des artistes montréalais ne peut être écartée de l’équation. « On ne veut pas non plus créer une situation où un artiste doit renoncer à ses revenus » sur Spotify, soutient Ian Ilavsky, en précisant que Constellation, malgré son désir de poser un geste collectif concernant Spotify, respectera et comprendra la décision de ses artistes qui ne peuvent pas se passer des revenus qui peuvent être engrangés sur la plateforme.
« On a des artistes qui se sentent concernés » à la fois par les investissements militaires et la musique générée par IA sur Spotify, indique pour sa part Éric Harvey, président de la maison de production et de gérance Ambiances Ambiguës, qui compte plusieurs musiciens québécois de la relève.
« On est [toutefois] beaucoup dans le développement d’artistes, c’est donc difficile en début de carrière de poser ces gestes-là [le boycottage] pour des questions de découvrabilité ou de notoriété », poursuit-il. À titre de programmateur au festival La Noce, M. Harvey ajoute que Spotify fait partie des outils utilisés pour évaluer le parcours et la visibilité d’artistes.
« Au Québec, ça reste un privilège de réussir à vivre de sa musique », abonde dans le même sens sa collègue Camille Gascon, responsable des communications chez Ambiances Ambigües et gérante chez les maisons de disques Duprince et popop. Elle précise que plusieurs artistes se demandent si un retrait de Spotify ne va tout simplement pas mener à une perte de visibilité, souvent déjà fragile.
Pour Éric Harvey, le mouvement de boycottage doit aussi amener une prise de conscience de la part des auditeurs. « C’est aussi au public de décider de choisir des plateformes alternatives qui vont permettre aux artistes d’avoir une plus grande visibilité », soulève-t-il.
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