Edoardo Secchi est entrepreneur et président fondateur du Club Italie-France.

---

Intégrée à une coopération européenne solide – l’une des plus fortes du continent, aux côtés de l’Allemagne et de l’Espagne – la présence économique française en Italie n’est plus seulement une question commerciale : elle s’est consolidée au fil du temps pour devenir un partenaire incontournable du système économique italien.
De l’énergie à la distribution, du luxe à la finance, les groupes tricolores ont transformé des filières entières, générant emploi, innovation et nouvelles interdépendances entre secteurs et territoires.

Passer la publicité

Depuis 2014, avec le décret « Sblocca Italia » promulgué par Matteo Renzi, qui facilite l’entrée de capitaux étrangers, la présence française en Italie s’est renforcée grâce à des acquisitions stratégiques, des investissements directs et des partenariats industriels, influençant la structure productive, la modernisation des processus et le transfert technologique.

Aujourd’hui, la France demeure le premier investisseur étranger en Italie, avec un stock d’IDE estimé à 101 milliards d’euros, soit 22 % du total des investissements étrangers. Les projections pour 2025 prévoient une augmentation de 5 à 7 %, atteignant entre 106 et 108 milliards d’euros grâce à de nouveaux projets dans les secteurs vert et numérique. Le pays compte 2 435 entreprises à contrôle français, générant un chiffre d’affaires global de 176 milliards d’euros, en progression, attendue à 185 milliards en 2025, portée par l’export et l’innovation.

Les groupes français jouent un rôle central dans plusieurs secteurs stratégiques contribuant à la compétitivité et à la modernisation globale du pays. Dans l’énergie, EDF contrôle Edison, un acteur majeur qui impacte directement l’emploi et les filières locales. Dans le secteur bancaire et assurantiel, Crédit Agricole et BNP Paribas-BNL soutiennent le crédit et les investissements, contribuant à la stabilité du système financier. Dans les télécommunications, Iliad, avec plus de 12,5 millions d’utilisateurs, a renforcé la concurrence et la couverture réseau.

Les entreprises françaises apportent non seulement capital et expertise, mais également des programmes de soutien à l’innovation et à la soutenabilité, alignés sur les nouvelles réglementations européennes.

L’aérospatial et la défense sont représentés par Thales Alenia Space Italia, opérant à Rome et Turin et intégrant recherche, développement et production. Dans le luxe et la mode, LVMH et Kering investissent dans la filière italienne, influençant emploi, export et standards de production. Enfin, dans la distribution, Decathlon et Leroy Merlin ont introduit des modèles organisationnels avancés, améliorant la digitalisation et l’efficacité logistique. Dans l’agroalimentaire, Lactalis investit 68 millions d’euros en 2025 pour l’export DOP, représentant 16 % de l’export fromager italien.

L’intégration des sociétés françaises a influencé les modèles organisationnels et opérationnels de plusieurs secteurs italiens, accélérant la modernisation du marché et améliorant efficacité, digitalisation et standards qualitatifs. Des programmes de coopération, tels que le « Franco Italian Accelerator » promu par Bpifrance et la Cassa Depositi e Prestiti, illustrent l’engagement commun dans le développement de l’écosystème innovant italien.

Passer la publicité

En parallèle, la France a identifié et valorisé un tissu industriel italien dense et compétitif, constitué d’entreprises leaders sur des marchés de niche, souvent familiales et dotées d’expertises d’excellence. Ces entreprises ont pu se développer et accroître leur capacité de production non seulement en Italie, mais également sur les marchés français et internationaux grâce à la présence et aux partenariats avec les grands groupes français. Pour ces derniers, opérer en Italie a permis de bénéficier de savoir-faire pointus, de chaînes de production efficaces et d’une main-d’œuvre qualifiée. L’investissement français a ainsi tiré pleinement parti de la complémentarité entre les deux modèles économiques, tout en offrant aux entreprises italiennes l’accès à de nouveaux marchés et à une exposition internationale renforcée.

À lire aussi En trois ans à la tête de l’Italie, le parcours sans faute de Giorgia Meloni

La transition vers l’économie verte, l’industrie 4.0, la digitalisation et le développement de technologies durables représentent des opportunités majeures pour consolider les liens bilatéraux. Les entreprises françaises apportent non seulement capital et expertise, mais également des programmes de soutien à l’innovation et à la soutenabilité, alignés sur les nouvelles réglementations européennes. Grâce au PNRR italien et aux fonds européens pour la transition digitale et écologique, les partenariats franco-italiens pourraient générer plus de 15 milliards d’euros d’investissements supplémentaires dans les énergies renouvelables, l’intelligence artificielle et la mobilité durable.

La présence économique française en Italie illustre la solidité d’une coopération fondée sur la complémentarité, la confiance et la convergence d’intérêts industriels. Dans un contexte européen marqué par la transition écologique, la relocalisation des chaînes de valeur et la montée en puissance des technologies à faible impact environnemental, cette relation apparaît comme un atout stratégique pour les deux économies. L’avenir de la relation économique franco-italienne dépendra de la capacité des dirigeants français et italiens à unir leurs forces – comme ils le font déjà avec succès dans des secteurs stratégiques comme l’aérospatial, l’énergie et le luxe – pour anticiper les mutations mondiales et transformer cette proximité historique en leadership industriel européen.