Déléguer ses tâches à l’intelligence artificielle n’est pas sans conséquences. Chaque requête adressée à ChatGPT affaiblit un peu plus la capacité à penser de manière autonome. Autrefois, une présentation importante s’accompagnait d’un rituel : café en main, carnet ouvert, idées en vrac. Un processus lent mais fécond, propice à l’élaboration. Aujourd’hui, tout se résume à une commande vague et quelques clics. L’esprit se met en veille pendant que la machine délivre un contenu formaté, aseptisé.

Un cerveau qui se met en veille 

Une récente étude du Massachussets Institute of Technology (MIT) Media Lab révèle une réalité alarmante : confier sa pensée à l’IA entraîne une baisse significative de l’activité cérébrale. Trois groupes ont été observés. L’un utilisait ChatGPT, un autre un moteur de recherche, le dernier travaillait sans assistance numérique. Résultat : les cerveaux des utilisateurs de l’IA affichaient une activité minimale. Une forme de veille cognitive, comme si la réflexion s’éteignait à la seconde où l’algorithme prenait le relais. 

Plus préoccupant encore, les participants assistés par IA avaient du mal à se rappeler le contenu qu’ils venaient de produire, signe d’une déconnexion cognitive. Leurs mots leur échappaient, comme s’ils n’avaient jamais été les leurs. Une amnésie numérique inquiétante, reflet d’une dépossession intellectuelle croissante.

Dette cognitive et créativité en berne 

Privés de leur outil numérique, les mêmes participants ont livré des textes fades, pauvres en idées. Jugés superficiels, ces écrits trahissaient une créativité en berne. La machine n’aide pas à penser — elle remplace. Une dette cognitive s’installe, silencieuse, mais durable. 

L’expérience confirme une intuition largement partagée : déléguer sa pensée, c’est perdre l’habitude de penser. Et cette habitude, une fois disparue, ne se retrouve pas si facilement.

Prothèses mentales et soumission technologique

Chaque outil technologique devient une prothèse. GPS, correcteurs automatiques, assistants rédactionnels : autant d’extensions qui finissent par réduire à néant la vivacité intellectuelle. Le raisonnement s’émousse, l’esprit critique s’éteint. 

Les technologies d’IA promettent une assistance, mais cultivent la dépendance. Elles ne sont intelligentes que de nom. L’illusion d’un gain de temps cache une perte immense : celle du discernement, de la profondeur, de la lenteur féconde. 

Résister à l’assistanat mental

Refuser cette logique n’a rien d’anachronique. Se perdre volontairement, écrire sans filet, réfléchir sans interface : autant de gestes subversifs dans un monde d’assistanat généralisé. La faute n’incombe pas à l’outil lui-même, mais à l’abdication qu’il favorise. 

Pendant que les élites préservent leurs bulles de concentration et leurs moments de déconnexion, le reste du monde s’enfonce dans une docilité algorithmique. L’indépendance intellectuelle devient une menace pour un système qui préfère des esprits passifs, uniformisés, connectés.

Dernier rempart contre l’effacement

L’IA devient problématique lorsqu’elle se substitue au jugement plutôt que de l’enrichir. Un esprit trop assisté finit par ne plus remettre en cause ce qu’il lit. Il gobe, il clique, il accepte. 

Le vrai danger n’est pas la machine, mais le renoncement à penser par soi-même. Dans un monde de récits fabriqués, le discernement reste la seule forme valable de résistance.