Les rêves de gloire, de domination, de puissance, sont en guerre. Mais précisément, ces rêveurs de puissance s’interrogent-ils sur la puissance du rêve lui-même…

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L’art du rêve nécessite d’abord de savoir distinguer entre rêve et désir. Un désir c’est ce qui revient inlassablement même quand il est satisfait ; un rêve ne revient pas lorsqu’il s’accomplit enfin.

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Au commencement de sa vie, avant le langage, l’enfant rêve. Sans qu’il le sache, son rêve se confond avec le songe divin. Puis, le déploiement de son rêve va se heurter au langage, qui va le freiner, le limiter, le verrouiller jusqu’a le rendre impossible. Cette dure impossibilité sera appelée : la réalité, dont les contours seront appelés : le corps. Cette réalité sera comme une barrière qui le séparera du songe divin. L’enfant grandira et voudra connaître les lois de cette réalité que souffre son corps, qui ne sont donc finalement que les lois du langage, sa logique. Ces lois traceront les premières formes de savoir. Les plus audacieux contesteront ces lois, les transformeront par la poésie, jusqu’à retrouver le déploiement du rêve de l’enfant.

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Le savoir définit ce qui est possible et ce qui est impossible, et nous sommes enchaînés à ce savoir. « Tout le monde savait que c’était impossible. Un ignare ne le savait pas : il l’a fait », écrivait Pagnol dans Cinématurgie de Paris.

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Le rêve précède le corps, le rêve précède le réel, le rêve précède la pensée, la pensée du corps… et le verbe précède le sujet.

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L’âme rêve, le corps pense. Je dirais même, l’âme rêve le corps et le corps pense le rêve.

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À l’origine des origines le langage était poétique, le langage d’Adam… Vint ensuite le langage du corps, le langage logique, le langage initié par le Serpent, le langage de la science… de l’Arbre de science… langage qui advient avec le mensonge, puisque Ève et Adam ne deviennent pas immortels par la science comme promis par le Serpent, mais bien mortels !

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Apprendre à rêver c’est retrouver le langage poétique adamique, langage par lequel le rêve devenait réalité… un langage exempt de mensonge donc.

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La science et ses promesses sont indissociablement liées au mensonge, depuis le Serpent biblique. Mais allons plus loin, la science elle-même ne serait-elle pas un mensonge, en cela qu’elle se pose comme le salut de l’homme, le seul salut. Or c’est bien le contraire qui est vrai, avec la science et ses armes scientifiques l’humanité n’a jamais été aussi proche du grand péril de sa destruction finale.

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Dans notre sommeil, le rêve se déploie souverainement. Mais à l’état de veille, nous n’arrivons plus à déployer nos rêves, car la résistance des lois du langage logique est trop forte, lois qui déterminent le réel, qui le structurent. La réalité logique n’est qu’un point de vue du réel, point de vue qui, lorsqu’il devient exclusif, enfonce l’homme dans la mort. Il y a un autre point de vue du réel, la réalité poétique…

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La science ne peut pas penser le réel, elle ne peut le penser qu’après l’avoir structuré par le langage logique ; elle ne pense donc pas le réel lui-même, elle ne peut penser que cette structure produite à partir du réel. Comme on penserait la structure d’un château de sable sans penser le sable.

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La seule manière d’appréhender le réel est le point de vue poétique.

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L’art du rêve consiste à réaliser notre rêve, et pour y parvenir, il s’agit de tenir la valeur de notre rêve, d’exprimer sémantiquement celui-ci toujours plus clairement, d’exprimer le déploiement de son sens toujours plus profondément malgré toutes les résistances, car il est la vérité de notre âme, et finalement de tenir plus à la valeur exprimée de ce rêve qu’à la réalisation de celui-ci. Lorsque l’expression sémantique du rêve est parfaitement limpide, lorsque plus aucune résistance logique ou sémantique ne peut le contredire alors il devient réalité, en rencontrant la plus infime de toutes les résistance, cette résistance primordiale que l’on appelle « le réel », et que la Bible appelle « les eaux primordiales »…

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Lorsque le songe divin se déploie, déploie son sens, les eaux primordiales résistent infimement à ce sens jusqu’à produire des lignes de résistance, des formes de résistances, de plus en plus fortes, jusqu’à des objets matériels, qui ne seront in fine que les formes du sens du songe divin. C’est-à-dire que si ce sens change, ces formes changeront en conséquence. Voilà la Création. Voilà l’art du rêve.

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La réalité est un ensemble foisonnant de lignes de résistances plus ou moins fortes, résistant aux songes… et à leur sens…

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