Hier 15 juin, Emmanuel Macron se promenait au Groenland pour protester contre l’envie d’annexion de Donald Trump. Au lieu de se trouver à Washington pour amorcer, avec Donald Trump, la désescalade du conflit au Proche-Orient. Notre chef de l’Etat a le sens des priorités! Et pourtant, la France a un rôle majeur à jouer, si elle le veut, pour aider à la désescalade entre Israël et l’Iran. Etant membre du club nucléaire, Paris pourrait aider à une concertation entre les Etats-Unis, la Russie et la Chine pour éviter une guerre mondiale. Au lieu de cela, le président français a beau bomber le torse, il épouse les méandres de la politique américaine face au conflit du Proche-Orient.

(Photo by Ludovic MARIN / AFP)

Pas besoin d’être psychologue pour dire ce que révêle l’escale au Groënland du président français sur la route du Canada: une immense fuite devant ses responsabilités. Je ne dis pas seulement parce que, de Paris, partir vers le Groenland, c’est s’éloigner du Proche-Orient. Non! Emmanuel Macron était sur la route du G7 au Canada. Mais c’est aux Etats-Unis, pour se concerter avec Donald Trump, que le président aurait dû se rendre.

L’équation de Trump

Plus on voit avancer la guerre entre l’Iran et Israël, plus des lignes de force se dégagent.

+ Israël fera tout pour impliquer les Etats-Unis à 100% dans le conflit.

+ La guerre d’attrition, dont je parle dans mon article militaire publié ce jour a un effet opposé: l’incapacité d’Israël à vaincre seul a un effet dissuasif sur Donald Trump.

+ Néanmoins, au-delà de la pression israélienne, deux facteurs pèsent lourd sur Donald Trump: son propre sionisme; et l’inertie du complexe militaro-industriel, qui était en roue libre durant la présidence Biden pour soutenir à fond Israël dans sa guerre contre les Palestiniens et les Libanais.

+ Imaginons le scénario le pire: celui où Trump se laisse entraîner dans une participation directe à la guerre, il existe une force de rappel: la polarisation entre puissances nucléaires. Certes Donald Trump et Vladimir Poutine se sont parlés samedi dernier; mais le glissement américain dans la guerre produirait une polarisation: Etats-Unis contre Russie + Chine.

La France puissance nucléaire

C’est là que la France aurait un rôle à jouer, comme membre du club nucléaire.

Je sais les critiques que je vais m’attirer en disant cela. Mais comment pouvez-vous croire une minute que Macron puisse jouer un rôle positif me demandera-t-on? Dans un monde abstrait, vous avez raison. mais dans le monde réel où la Troisième Guerre mondiale fait partie des possibilités, on prend ce qu’on a, aussi insatisfaisant cela soit-il.

Je remarque qu’Emmanuel Macron était très offensif quand tout le monde croyait à une victoire rapide d’Israël; et qu’en évoquant le sujet d’une participation française à la guerre depuis le Groenland, il avait mis de l’eau dans son vin – décalquant l’évolution d’un Donald Trump qu’il était venu critiquer. Alors pourquoi ne pas imaginer qu’Emmanuel Macron connaisse sa n-ième métamorphose, se faisant homme de paix comme Boris Johnson a merveilleusement joué le rôle du Brexiteur le temps d’une élection, en 2019.

Ramener la question nucléaire au centre, c’est éloigner les Américains de leur fascination pour les « changements de régime ». C’est forcer les Etats qui ont la bombe à prendre leur responsabilité – y compris Israël qui devra bien un jour mettre son armement nucléaire dans la discussion en jouant cartes sur table. C’est aussi permettre une sortie de crise par le haut; au lieu de regarder avec fascination le monde courir vers l’abîme.

Rien de plus terrible, bien entendu, que de voir Emmanuel Macron seul face à la neige, faisant sortir son pays de l’histoire. Et dommage que personne ne lui ait souffler que lui pourrait, s’il le voulait, effacer tous les griefs que l’histoire, qui est bonne fille, a pourtant contre lui.