Language

         

 Publicité par Adpathway

« Je n’avais vraiment rien à part les cartons » – Entretien avec Onana, mineur isolé à Rouen

3 week_ago 20

         

NE LAISSER PAS LE 5G DETRUIRE VOTRE ADN Protéger toute votre famille avec les appareils Quantiques Orgo-Life®

  Publicité par Adpathway

Mineurs isolés. Onana est un jeune mineur originaire du Cameroun, qu’il a quitté pour fuir la violence et construire un avenir meilleur. Arrivé à Rouen il y a un an, il a participé à la création du Collectif des jeunes mineurs et majeurs isolés de Rouen fin 2024. Depuis plus d’un mois, il campe avec […]

Mineurs isolés. Onana est un jeune mineur originaire du Cameroun, qu’il a quitté pour fuir la violence et construire un avenir meilleur. Arrivé à Rouen il y a un an, il a participé à la création du Collectif des jeunes mineurs et majeurs isolés de Rouen fin 2024. Depuis plus d’un mois, il campe avec ses frères de lutte devant la Préfecture de Rouen pour faire respecter ses droits et être intégré dans la société française. Pour l’Insoumission, il a accepté de nous raconter son périple, de son arrivée en France à aujourd’hui. Entretien.

Une arrivée en France difficile et pleine d’obstacles

Pourquoi es-tu venu à Rouen et pourquoi tu y es resté ?

Ne connaissant pas la France ni Paris, j’ai suivi celui avec qui j’ai fait la route. Il m’a dit de l’attendre pendant qu’il allait chercher une carte SIM. Nous étions à la gare routière. Il n’est jamais revenu. Au bout de trois heures, la nuit commençait à arriver et j’ai demandé à un homme où je me trouvais. Il m’a répondu que j’étais à la gare routière de Bercy, il m’a questionné sur la situation et a eu de la compassion. Cet homme m’a donc hébergé une nuit chez lui sur Paris et il m’a envoyé à Rouen pour que je sois hébergé chez sa femme, le lendemain.

Pour aller plus loin : Mineurs isolés : à Rouen, ils campent devant la préfecture depuis plus d’un mois pour faire respecter leurs droits

Une fois arrivé à Rouen, j’ai appelé l’homme qui n’a jamais répondu. Puis j’ai appelé le numéro de sa femme qu’il m’avait donné : la femme qui m’a répondu m’a dit ne pas connaître cet homme. J’étais donc coincé à Rouen, seul et sans ressource. En allant vers une supérette, j’ai croisé une voiture de police garée, avec 4 policiers à l’intérieur et je les ai salués. Une policière s’est rendue compte que quelque chose n’allait pas : quand elle m’a demandé, j’ai raconté ce qui venait de se passer et son collègue prenait des notes. Ils ont ensuite dit qu’il était tard et qu’ils allaient appeler le 115 ou me trouver un hôtel.

Mais dans un second temps, quand la police a compris que j’avais 16 ans et que personne ne me prenait en charge, ils ont été outrés et ils se sont démenés pour m’aider. Avant de m’emmener à l’hôtel, ils se sont arrêtés pour m’acheter un menu kebab et la policière m’a donné 2 euros pour mon petit déjeuner du lendemain. Ils m’ont prévenu que des démarches étaient prévues pour le lendemain.

Comment se sont passés les jours d’après ?

Les policiers sont venus me chercher pour m’emmener au CAPS (Comité d’action et de promotion sociale). Je n’étais pas du tout informé sur le déroulement des démarches. C’est là que l’enfer a commencé.

1er jour : demande d’informations. Ils me demandent mon nom, mon prénom, ma date et mon lieu de naissance, et demandent les mêmes informations sur mes parents. Puis, ils me trouvent un hôtel et la personne rencontrée m’y emmène. Elle me prévient que demain, je dois aller à la préfecture pour qu’ils prennent mes empreintes. Je n’avais pas un instant pour me reposer.

2ᵉ jour : la personne m’emmène faire mes empreintes à la préfecture. En plus de prendre mes empreintes, on me demande les mêmes informations qu’au CAPS. Puis, on me ramène de nouveau à l’hôtel et on me dit que le lendemain, ce sera l’évaluation.

3ᵉ jour : on m’évalue sur mon parcours. Je suis reçu dans un petit bureau, avec deux personnes qui se présentent : une pour les prises de notes et une pour l’interrogatoire. On me demande si je souhaite avoir un interprète, ce que je refuse, car en Grèce, l’interprète a modifié mes dires. De plus, je parle tout à fait français, donc je peux répondre sans aide.

Par contre, je viens seulement d’apprendre que j’avais également le droit à un avocat, un psychologue et un médecin lors d’un interrogatoire : personne ne me l’a proposé au moment de me faire interroger. Ils me demandent pourquoi j’ai quitté mon pays, quel est mon parcours et ce que je risque si j’y retourne. Une fois l’interrogatoire fini, je dois retourner à l’hôtel et attendre une réponse.

4ᵉ jour : pas de réponse.

5ᵉ jour : Ils ont contacté le propriétaire de l’hôtel où j’étais pour me dire de venir récupérer la réponse au CAPS avec mes bagages. Quand je suis arrivé là-bas, les mêmes personnes m’ont donné la feuille de réponse (ou proposent de la lire si tu ne sais pas lire un courrier officiel en français). Il était écrit comme réponse négative, le motif « Pas cohérent sur le parcours. Pas de prise en charge. Évalué majeur. ».

Ils m’ont ensuite dit que ce n’étaient pas eux qui allaient évaluer mon âge quand j’ai posé la question. J’ai dû signer la réception du document et la seule aide qu’ils m’ont donnée était une carte de la métropole de Rouen avec des indications comme la localisation de RSM, le lieu pour se doucher etc.

Et c’est tout… Aucun soutien, alors que j’étais choqué par le résultat négatif, et qu’il était trop tard dans la journée pour se rendre à l’endroit où l’on peut faire un recours. C’est donc à 16 ans que j’ai dû ramasser des cartons devant les magasins de Rouen, puis trouver un coin où m’installer pour passer les prochaines nuits, auprès de SDF. J’ai mis un carton au sol et j’ai dormi. Puis je suis tombé malade. À Saint Sever, j’ai croisé la Croix-Rouge qui a pu me soigner et me donner de quoi me couvrir la nuit car je n’avais vraiment rien à part les cartons. J’ai arrangé mon endroit mais la pluie a tout gâché.

Combien de temps as-tu dormi dehors ?

Dès le lendemain, j’ai été faire les démarches pour le recours. En attendant la réponse, j’ai dormi un mois et demi dans la rue, sur les cartons. Puis, j’ai été logé un mois et demi par le 115 car une place s’était libérée et j’étais sur liste d’attente.

Moi, j’ai eu la chance que l’attente de mon recours ne soit que de 3 mois mais ce n’est pas le cas pour tous. J’ai vu la juge seulement 5 minutes et, pour elle, c’était déjà beaucoup de temps. L’audience se fait sans détail : elle veut juste les noms des pays de ton parcours, quel est ton projet d’avenir en France, et si tu es d’accord de passer le test osseux pour qu’on détermine ton âge. Tu es obligé de dire oui pour éviter un non-lieu. La juge te donne un délai de réponse d’une semaine pour obtenir à quelle période faire le test osseux, par ton avocat qui le recevra. Cette date sera la semaine suivante et ils te disent qu’ils donneront la réponse également une semaine plus tard. Mais moi, ça a pris un mois.

Quels ont été les résultats du test osseux ?

On te donne trois âges comme résultat au test osseux. Mon avocate m’a donné les trois premiers âges communiqués à mon sujet comme étant : 70 ans – 45 ans – 35 ans. Je l’ai donc appelée pour récupérer les résultats du test et constater de moi-même, mais elle m’a ignoré et je n’ai pas pu les récupérer. Moralement, j’étais au fond du trou. La vie a fait que nous nous sommes croisés dans la ville et elle m’a expliqué avoir beaucoup de cas donc ne pas pouvoir être joignable.

Nous nous sommes rendus à son cabinet et j’ai récupéré les résultats de mon test osseux, que j’ai lus sur place : 35 ans – 29 ans – 19 ans. Je ne comprenais pas la différence avec ce qu’elle m’avait annoncé auparavant. Elle n’a pas voulu me donner le rapport d’évaluation du CAPS alors que j’en avais besoin avant l’audience avec la juge. Cette avocate ne souhaitait pas faire appel du recours car elle ne se voyait pas le gagner, vu les âges donnés à l’évaluation du test osseux et elle disait que la démarche serait longue (au moins six mois).

De nouveau, elle a refusé catégoriquement de me donner le rapport du CAPS donc j’ai décidé de changer d’avocat. Nous étions en octobre 2024 et grâce à la création du collectif, j’ai pu avoir un nouvel avocat et envisager l’appel.

Que t’a dit ton nouvel avocat sur ta situation juridique et sur la possibilité de faire appel ?

Pour faire appel, il fallait de nouvelles preuves de ma minorité et pas seulement l’extrait de naissance, où ma photo n’apparaît pas. Il a donc fourni le formulaire pour faire ma carte consulaire et celui pour faire mon passeport. Une bénévole de RSM m’a fait tout le dossier en ligne et j’ai été aux administrations faire ces documents officiels. Les démarches et trajets coûtent cher.

Il faut payer les transports pour et dans Paris, mais aussi environ 85 € la carte consulaire et environ 180 € le passeport. Les dons financiers au collectif nous aident à financer les démarches administratives pour nos reconnaissances de minorité. Actuellement, je suis en attente d’appel.

Collectif des mineurs isolés : construire la lutte pour faire respecter ses droits

Quand le collectif a-t-il été créé ?

Le collectif a été créé en novembre 2024 et j’ai participé à cette création.

Combien étiez-vous à sa création ? Quelles ont été vos motivations pour créer un collectif ?

Nous étions trois. Ce qui nous a motivés, c’était de voir que nos droits n’étaient pas respectés et que rien ne fonctionnait (dans les démarches). Nous voulions revendiquer nos droits, mais aussi ceux de tous les autres jeunes dans cette situation actuellement et dans le futur. Voilà comment le collectif a été créé.

Quelles ont été les premières actions du collectif ?

Nous sommes allés à Paris pour nous former et apprendre le fonctionnement d’un collectif. Nous nous sommes rendus compte qu’il y avait déjà un collectif à Belleville, par RSM, qui nous a mis en contact avec eux. La première action a été d’aller prendre des informations et d’apprendre à s’auto-organiser.

Comment créer un collectif ? Les manifestations sont-elles les mêmes qu’en Afrique ? Quelles actions faire pour être entendus ?

D’abord, nous avons appris qu’en France il y a besoin d’une autorisation de la préfecture pour notre manifestation et son parcours. Sinon, nous avons commencé par faire valoir notre droit à la scolarisation. Nous avons décidé de nous rendre au CIO (Centre d’information et d’orientation) pour inscrire chaque jeune au test du CASNAV (Centre académique pour la scolarisation des enfants allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs).

Premier obstacle : le rendez-vous n’était pas à prendre sur place, mais en ligne. Il n’y avait pas de disponibilité avant longtemps. Nous avons réussi à obtenir les résultats des tests de positionnement mais nous n’avons pas obtenu d’affectation pour autant. Notre première manifestation était le 14 décembre 2024 ; une manifestation des sans-papiers nous a conviés car, avant d’être des majeurs sous OQTF, ils étaient des mineurs isolés et sans solution comme nous.

À quel moment ou pourquoi le collectif et ses actions ont-ils pris de l’ampleur ?

Le collectif a pris de l’ampleur lorsque Cécile est arrivée. Elle a décidé de s’occuper de trouver des soutiens, étant déjà bénévole à RSM. À travers l’association qu’elle a trouvée, cela a commencé à interpeller les bénévoles sur la question de qui nous étions et quelles étaient nos revendications. Notre combat a touché des associations, des syndicats et des groupes politiques, mais aussi des citoyens. Au début, chacun nous apportait de l’aide de son côté. Aujourd’hui, tout le monde se connaît et fonctionne très bien ensemble.

Fraternité et solidarité : de nombreuses personnes viennent en aide aux mineurs isolés

De quelle manière a été accueillie l’action d’occupation de votre collectif ?

Nous l’avons annoncée lors d’un événement antiraciste le 2 mai, sur les quais. Nous avons dit aux personnes présentes qu’il fallait nous suivre de l’autre côté de la route, devant la Préfecture. Nous avons surpris tous nos soutiens, qui nous ont suivis. L’installation de nos tentes sur ce terrain – avec autorisation du maire, donc seul au courant – a été tout de suite comprise. Les passants sont toujours surpris quand ils passent devant le camp. Nous avons été interviewés plusieurs fois pour expliquer notre occupation et nos revendications. La mairie et la préfecture ne répondent pas à nos attentes, nous avons besoin d’être visibles aux yeux des gens. Et ainsi, à force d’explications, le voisinage a compris et a été touché.

Peux-tu nous parler des événements culturels qui ont eu lieu sur le camp ?

Nous avons invité pas mal de groupes musicaux, des rappeurs, des comédiens, des chanteurs. Il y a eu essentiellement des événements de jeux et de sport, de musique, de comédie, des repas fraternels. Ont eu lieu des cours bénévoles par des soutiens sur le camp, mais aussi par des professeurs devant le lycée Sembat de Sotteville.

Que peux-tu me dire sur les soutiens ?

Les soutiens sont comme nos parents parce que matin, midi et soir, ils sont avec nous. Ils veillent sur nous, même lorsque nous dormons, ils nous protègent. Même quand l’État est dur avec nous, ils restent à nos côtés. Dès le début, beaucoup de soutiens nous ont dit qu’ils resteraient avec nous jusqu’au bout, malgré les épreuves que nous traversons, et c’est le cas. Ils sont à nos côtés depuis 1 mois.

Que ce soit financièrement, pour le côté vestimentaire mais aussi pour les repas, tous font au mieux pour que nous soyons comme tout le monde. Ils participent aux événements et aux manifestations que nous organisons. Ils participent à des réunions pour appuyer nos volontés d’évolution. Nous nous auto-organisons au sein du collectif, mais nous avons besoin de leurs conseils car ils sont autochtones et nous enseignent la vie en société en France. Ce sont vraiment comme nos parents.

Détermination et espoirs : construire une nouvelle vie

Nous avons célébré les 1 mois du camp des Jeunes mineurs et majeurs isolés, ce 2 juin : quelles sont vos revendications immédiates ?

Nos revendications immédiates sont un hébergement et l’accès à la scolarité. Mais nous avons également besoin de titres de transport dans un temps secondaire, pour nous déplacer, et également d’un accès à la santé.

Et toi, après nous avoir raconté ton périple en France, quels sont tes projets de vie ?

Mon rêve d’enfance est celui d’être pilote d’avion. Mais en arrivant au CIO et au CASNAV, ils ont brisé mon rêve en me disant qu’il était irréalisable. Ils m’ont dit que sans parents ni tuteur légal en France et sans moyen financier, c’était impossible. Mon rêve était au sol… J’ai donc dû choisir un métier qui n’était pas dans mes projets, dans le cas où je réussis à obtenir un titre de séjour. Ils m’ont présenté les métiers en tension, qui sont des « métiers pour les Blacks ». J’étais déçu et en colère. Ils m’ont présenté les métiers et formations du BTP, de l’aide à la personne, de la restauration et de la boulangerie.

J’ai pu mettre en dernière solution conducteur de transport public car je l’ai proposé pour être un peu plus proche de mon métier de rêve. Ils m’ont dit que c’était possible également comme projet. Je n’avais prévu aucun de ces choix, je pensais continuer mes études et tout donner pour le métier de mes rêves. Étant également footballeur, si tous ces projets d’études et de métier échouent, je me consacrerai totalement au football.

Que voudrais-tu ajouter pour clôturer cette interview ?

La seule chose que je peux ajouter, c’est que l’État français ne prend pas ses responsabilités et nous sommes confrontés à l’héritage du colonialisme, où il y a des métiers pour les Blancs et d’autres pour les Noirs. J’ai remarqué que l’État continuait de reproduire ce genre de violence coloniale. Je veux qu’ils sachent que les jeunes sont vraiment en détresse et que ce que nous devenons dépend d’eux. Nous ne quittons pas notre pays par plaisir et nous ne voulons pas venir en France pour devenir des délinquants. Victor Hugo disait : « Chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne. »

Par Roxane Le Youdec Garcia & Ilan Laudrel

read-entire-article

         

        

NE LAISSER PAS LE 5G DETRUIRE VOTRE ADN  

Protéger toute votre famille avec les appareils Quantiques Orgo-Life®

  Publicité par Adpathway