Dans la guerre qu’il a lancé contre l’Iran, Israël peut-il obtenir mieux qu’un « pat », comme on dit à propos d’une partie nulle aux échecs? Sous le récit très offensif des Israéliens se cache en fait, depuis vendredi, une capacité des deux adversaires à se porter des coups destructeurs d’un impact assez similaire. L’Iran, en effet, s’est assez vite ressaisi après la surprise initiale. Et les destructions causées par les tirs de missiles iraniens sur le territoire israélien sont un phénomène nouveau pour une société qui vivait de l’idée que le Dôme de Fer la rendait invulnérable. On est entré dans une « guerre d’attrition » – avant même de savoir si une intervention plus active des Américains pourrait changer la donne.

All the videos you need to see from the Iran Vs Israel Conflicts pt 2🇮🇱 🇮🇷

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— Hafsah H Malik (@TrascciaAlta88) June 16, 2025

Je reprends, pour commencer, le même compte X qu’hier, pour son étonnante collection de vidéos. Elles permettent d’illustrer ce que je vais développer ci-dessous. Donc prenez le temps de regarder. La première partie de la série livre des images des destructions effectuées en Israël par les frappes iraniennes. La deuxième partie concerne des frappes en Iran. Puis, à la fin, vous avez à nouveau des vidéos prises en Israël.

Quelles sont les caractéristique du conflit ?

La frappe initiale d’Israël a sans aucun doute été un succès tactique.

Pris au dépourvu par l’hypothèse qu’Israël n’agirait pas avant le sixième cycle de négociations sur le nucléaire, les dirigeants iraniens n’avaient pris aucune précaution lorsque s’est déclenchée l’attaque israélienne, dans la nuit de jeudi 12 à vendredi 13 juin. Beaucoup des chefs militaires dormaient chez eux, dans le nord de Téhéran: les frappes israéliennes les ont tués dans leur lit. Les défenses aériennes iraniennes ont été également prises au dépourvu.

Israël visait à perturber de manière décisive la structure de commandement de l’Iran et paralyser efficacement sa réponse militaire. Au départ, les frappes ont été si efficaces qu’il était difficile de savoir si Téhéran conservait une capacité de riposte significative.

L’Iran a redressé la barre de manière inattendue pour Israël

Mais en moins de 18 heures, l’Iran

avait restructuré sa chaîne de commandement, activé ses défenses aériennes et, surtout, lancé quatre salves de missiles visant principalement les systèmes de défense aérienne israéliens. Bon nombre de ces missiles ont pénétré les défenses multicouches d’Israël, illuminant le ciel de Tel-Aviv lorsqu’ils ont atteint leurs cibles, dont le ministère israélien de la Défense, qui a été directement touché.

Le fait que Téhéran ait pu monter une telle riposte quelques heures seulement après avoir perdu plusieurs hauts responsables militaires était le premier signe clair que le succès initial d’Israël serait de courte durée.

Bien que l’Iran ait continué à subir de lourds coups samedi, notamment des frappes israéliennes sur des raffineries de pétrole, l’aéroport de Mehrabad à Téhéran et d’autres infrastructures civiles et économiques, il a riposté par de nouveaux tirs de missiles. Téhéran a directement répondu aux frappes israéliennes: en frappant le Ministère de la Défense, l’Institut Weizmann, haut lieu de la recherche scientifique israélienne puis les raffineries du port de Haïfa, où se trouvent 60% du stock pétrolier du pays.

Pour comprendre le choc que subit la société israélienne, qui se croyait invulnérable à l’abri du Dôme de Fer, voici le message d’un chercheur montrant les photos de son laboratoire entièrement détruit à l’Institut Weizmann et en tirant la conclusion qu’il faudrait, pour commencer, changer de gouvernement:

My lab was totally destroyed tonight by an Iranian missile. Nobody was hurt. Flies, plasmids, cells, equipment – all gone. Heart breaking. If during the course of the past 16 years, you have received something from my lab – please keep them safe.

— Oren Schuldiner's Lab (@lab_oren) June 15, 2025

Vers une guerre d’attrition?

L’armée israélienne a mis en avant les dégâts importants causés au site nucléaire de Natanz. En revanche, Israël n’a pas réussi à pénétrer dans l’installation de Fordow, beaucoup fortifiée. En conséquence, l’impact réel des frappes des trois derniers jours sur le programme nucléaire iranien semble limité.

Selon certaines informations, l’armée américaine aurait mis à disposition ses capacités de défense antimissile pour abattre les drones et les missiles iraniens, mais elle ne se serait pas jointe à Israël dans les frappes offensives jusqu’à présent. En revanche, la question devient de plus en plus urgente d’une éventuelle intervention américaine:

Il apparaît de plus en plus clairement à Washington que la guerre choisie par Israël est loin d’être un succès et qu’une issue décisive pourrait ne pas se concrétiser. Si Israël semble avoir l’avantage en matière d’escalade, il souffre d’un désavantage crucial : il dispose de moins d’intercepteurs de défense aérienne que l’Iran de missiles à longue portée. Israël a besoin d’une victoire rapide et décisive, mais une guerre d’usure prolongée pourrait finalement favoriser l’Iran. Et une telle victoire semble aujourd’hui hors de portée.

Les faiblesses respectives des deux camps

J’ai pour ma part de sérieuses interrogations sur la réalité des vols effectués que l’armée israélienne prétend effectuer sur le territoire iranien. En revanche, l’Iran a découvert depuis trois jours une réalité désagréable: la présence de réseaux de renseignement et d’organisation de frappes sur son territoire. C’est ainsi que l’on peut expliquer les succès israéliens, de mon point de vue, qui sont plus obtenus par des tirs de drones que par des frappes aériennes – ou alors celles-ci ont lieu à distance.

Bien entendu, l’Iran est, théoriquement, dans une infériorité aérienne flagrante par rapport à Israël. Mais remarquons que l’aviation de Tsahal semble vulnérable à la défense anti-aérienne iranienne.

En revanche, l’Iran semble établir une supériorité dans les tirs de missiles. Des missiles hypersoniques ont été tirés! Et, le plus inquiétant pour Israël, c’est la précision des tirs iraniens dans un territoire exigu.

Je reviendrai demain sur l’engagement américain réel dans le conflit. En attendant, constatons qu’une guerre d’usure est en place. Et l’on voit mal comment, dans les conditions actuelles, Israël peut obtenir mieux qu’un « pat » face à l’Iran.