Edouard Philippe publie un livre intitulé « Le prix de nos mensonges »… qui n’est rien d’autre qu’un ralliement à la théorie de l’avachissement que le Courrier met régulièrement en avant. Cette théorie part du constat que le problème français est d’abord celui de l’élan vital de notre peuple et de son ambition à redevenir une grande nation, en fournissant l’effort réaliste et nécessaire pour y arriver. Dans son livre, l’ancien Premier Ministre oublie juste un point, semble-t-il : l’énorme responsabilité de la caste à laquelle il appartient dans ce déni collectif et dans l’étouffement de notre volonté de prospérer. Et nous le répétons ici : la France ne pourra faire le grand bond nécessaire dans le XXIè sous la domination d’une caste surannée et obsolète dont Edouard Philippe est un archétype parfait.

Je ne boude pas mon plaisir en découvrant qu’Edouard Philippe se rallie (en partie…) à la théorie de l’avachissement.

Si la France va mal, ce n’est pas, ou pas seulement, à cause de l’Union Européenne, du capitalisme, des néo-libéraux, de Macron, des francs-maçons, des pédosatanistes, des Juifs, ou autres boucs-émissaires commodes qui permettent d’exonérer chacun de ses responsabilités dans le déclin national (qui ressemble de plus en plus à une tiers-mondisation accélérée). Notre déclassement vient aussi des Français ordinaires, gavés de protection dans tous les sens, de plus en plus allergiques au risque, et plus soucieux de gaspiller l’héritage de la patrie que de l’accroître. Notre envie de vivre libres et dignes, notre ambition collective, notre capacité à remplir les habits laissés par nos prédécesseurs depuis plusieurs siècles, sont des peaux de chagrin qui se réduisent un peu plus chaque jour.

Cette réalité-là, cet effilochage de l’instinct national que j’appelle avachissement, je le dénonce régulièrement, souvent dans une solitude affligeante, mais je suis heureux de voir que, petit à petit, il essaime, après avoir été qualifié de « complotiste » ou « d’extrémiste de droite » par un régime qui ne recule devant rien pour se survivre à lui-même.

Philippe enjambe le mépris de classe bourgeois

Donc, Edouard Philippe a décidé de briser les règles bourgeoises, qui fascinent tant les Français, selon lesquelles « toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire ». Car c’est bien l’origine du problème français contemporain : cette mentalité, très largement modelée, forgée, façonnée, par la noblesse catholique d’Ancien Régime, pour qui la « courtoisie » interdisait de dire les choses en face, cette mentalité reprise par la bourgeoisie qui a singé la noblesse décadente de ce pays, et qui a percolé dans tous les esprits, pour imposer une censure létale sur les consciences. Quand un problème se pose à notre nation, il est de bon ton de ne jamais en parler ouvertement, il est vulgaire de désigner les responsables, surtout si la responsabilité est générale. Il est plus simple de caresser le petit peuple dans le sens du poil, pour mieux lui marcher dessus une fois qu’il a le dos tourné, et de lui désigner des ennemis extérieurs pour expliquer nos échecs et nos reculades.

Cette hypocrisie consubstantielle à l’esprit bourgeois est une arme de domination. Elle permet d’accorder un sauf-conduit aux élites défaillantes (qu’on ne met jamais en cause, puisque, par principe elles savent) et d’infantiliser le peuple, que l’on convainc jour après jour de sa minorité. Circulez, il n’y a rien à voir. Vive la servitude volontaire.

Dans l’esprit bourgeois qui domine notre société, le peuple est un agrégat d’enfants, de crétins qu’on mènera, incapables d’entendre les dures vérités que la poursuite de son propre destin impose d’écouter. Le peuple ne peut pas être pris au sérieux, il est trop rustre pour participer aux décisions, trop dominé par son vice et ses émotions, pour accéder à la raison. Donc, on lui cache les choses, on l’amuse avec des hochets pendant que les vraies décisions sont prises à la table des adultes, loin des regards et des oreilles indiscrètes.

La bourgeoisie française aime la verticalité du pouvoir. Elle l’a toujours cultivée. Cette verticalité, répétons-le, explique très largement le triste état dans lequel la nation française se trouve : avachie par le confort, le toujours plus, les journaux de 20h où l’on parle de babioles au lieu d’aborder les sujets de notre temps qui pourraient fâcher et où aucun dirigeant ne souhaite risquer sa carrière en disant les vraies choses.