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C’est Serge Savard, avec sa science habituelle, qui a peut-être le mieux résumé l’impression générale sur le parterre de la Maison Principale, dans Saint-Henri, mercredi dernier.
Ça fait quelques fois que [Chris] la raconte son histoire. Chaque fois, il dit : "cette fois, je vais dire toute la vérité", a lancé M. Savard, taquin.
En effet, quelque 320 personnes s’étaient réunies dans cette salle luxueuse du sud-ouest de Montréal la semaine dernière pour écouter Chris Nilan, l’ancien dur à cuire du Canadien, raconter sa vie dans une formule cabaret-spectacle. Un premier one-man-show pour celui qui en a donné des dizaines et des dizaines aux spectateurs du Forum lorsqu’il jouait au hockey, d’une tout autre nature à l’époque.
Pendant près de deux heures et demie, Nilan est revenu sur son parcours tumultueux, sur cette vie parsemée de moments d’extase et de triomphes, autant que de grandes angoisses, de malheur, de dépression et de multiples abus.
Comme l’a souligné Serge Savard, ce n’est pas la première fois que l’homme de 67 ans se met à nu. En 2013, Nilan faisait paraître son autobiographie, Fighting Back : The Chris Nilan Story. Ces jours-ci, à la manière d’un humoriste ou d’un conteur, il récidive, avec des détails saisissants.
De sa jeunesse orageuse dans West Roxbury en banlieue de Boston, un quartier irlandais malfamé dans les années 1970, à sa relation acrimonieuse – c’est le moins qu’on puisse dire – avec son père, en passant par ses problèmes de dépendance à l’alcool, aux opiacés et à l’héroïne, Nilan visite tous les recoins, ou presque, de cette vie intense.
Mais pourquoi maintenant? Pourquoi sur scène?
D’abord, parce que Barry F. Lorenzetti, entrepreneur prospère qui a fait fortune dans le domaine de l’assurance et qui a mis sur pied une fondation du même nom en 2017 dédiée à l’amélioration des soins de santé mentale, selon le site de l’organisation, le lui a demandé. Lui a demandé s’il voulait donner de son temps, en fait. Nilan a sauté sur l’occasion et l’idée du spectacle solo a germé.
Pour être capable de conserver ce que j’ai, soit la sobriété, je dois être capable de partager tout ça. Être prêt à aider des gens qui ont des problèmes de dépendance, d’alcoolisme et de santé mentale. Beaucoup de gens qui souffrent de ça ont peur d’en parler […] Je crois que de voir quelqu’un comme moi qui était le dur, qui se battait sur la glace et qui se montre vulnérable et capable de s’exprimer d’une façon à laquelle on ne s’attend pas, ça permet peut-être de rejoindre des gens et d’aider quelqu’un, lance Nilan à l’autre bout du fil.
Ses anciens coéquipiers le voient comme un geste altruiste, ce que Nilan a toujours été, ont-ils souligné, lorsque croisés à la première des quatre représentations du spectacle le 28 mai.
C’est le genre de gars qui, même s’il a juste 100 dollars dans ses poches et que quelqu’un est mal pris, il va être prêt à lui donner. Il a le cœur aussi gros que l’édifice.
C’est tellement un gars d’équipe, c’est une de ses plus belles qualités, a ajouté Patrice Brisebois qui l’a côtoyé pendant 17 matchs avec le CH en 1991-1992 quand il donnait ses premiers coups de patin dans la LNH et Nilan, ses derniers.
On est tous des êtres humains. Parfois, on dévie du mauvais côté. L’important, c’est d’en parler. Si on en parle, il y a peut-être d’autres gens qui vont dire qu’ils ont besoin d’aide. Je pense que c’est ce que Chris essaie de faire, a renchéri Brisebois.
Comme un match de hockey
L’ancien ailier a répété à raison de trois ou quatre fois par semaine pendant un mois et demi avant la grande première. Il n’avait pas de texte seulement une structure, explique-t-il, pour lui permettre de se rappeler dans quel ordre devaient se succéder les anecdotes.
Il fallait que ça ait du sens. Tout le monde me connaît sous le surnom de Knuckles, mais personne ne savait vraiment qui j’étais au début ou comment j’en étais arrivé là. Alors la structure était la clé. Mais il fallait que je sois capable de m’ouvrir, précise-t-il.
Pendant ces semaines de répétition, Nilan déclamait son histoire devant cinq personnes, dont sa femme, Jaime Holtz. Et comme il parle d’elle abondamment, cela n’a pas toujours été chose aisée, affirme-t-il. Au bout du compte, il est venu à maîtriser cette structure, même s’il avait devant lui un télésouffleur le soir de la première, au cas où.
Très nerveux avant d’étrenner la scène dans un décor somptueux, Nilan a décidé de décacheter deux lettres qu’il avait reçues lors de son dernier passage en cure de désintoxication il y a longtemps, l’une d’un ami, l’autre de sa femme.
Ému aux larmes, Nilan a remis les choses en perspective. Puis, il est monté sur scène.
C’était presque comme un match de hockey, laisse-t-il tomber.
Se relever
Ceux qui l’ont suivi à la trace ces dernières années n’apprendront peut-être rien de nouveau à son sujet. Les observateurs moins informés, toutefois, n’y resteront pas insensibles.
La sélection de Nilan par le Canadien au 19e tour du repêchage de 1978 relève presque du miracle considérant tout ce qui aurait pu l’écarter de ce chemin. Façonné à la dure par un père militaire, Nilan confie avoir été un enfant fou, bagarreur impénitent, frondeur, rebelle et déjà aux prises avec un goût prononcé pour l’alcool, qui n’aurait jamais atteint ces sommets sans quelques bons samaritains au fil de son parcours.
Sa relation avec son père se trouve au cœur du spectacle. Henry Nilan le battait. Chris s’est déjà interposé entre sa mère et lui, raconte-t-il, et son frère lui a déjà avoué avoir été brisé par le paternel.
Malgré tout, insiste-t-il à de nombreuses reprises pendant le spectacle, son père était et demeure à ce jour son héros. Un soldat capable de sauter d’un avion en vol ou de faire de la plongée sous-marine, l’homme qui lui a appris à se tenir debout, à se faire respecter, à se relever. Encore et encore.
J’ai été capable de lui pardonner ces dernières années, avant qu’il meure, et je suis vraiment content d’avoir pu le faire. On l’a eu difficile, mais c’est mon héros. Je n’étais pas l’enfant le plus facile non plus, je ne rejetterai pas toute la faute sur lui. J’en prends beaucoup, confie Nilan au téléphone.
Je ne l’avais jamais compris avant de le voir comme un petit garçon. Son père était alcoolique, il s’occupait de sa mère, de ses trois sœurs. Quand je l’ai vu comme ça, j’ai été capable de lui pardonner. C’est la meilleure chose que j’ai pu faire. Ça m’a aidé à guérir.
Guérir parce qu’après sa carrière de hockeyeur, Chris Nilan s’est laissé avaler par ses démons. Consommation excessive d’alcool, de médicaments, d’héroïne, l’ancien bagarreur s’est retrouvé de nombreuses fois en désintoxication, rechutait souvent. Un divorce, de nombreuses opérations, un accident d’auto qui aurait pu lui coûter la vie, deux surdoses : Nilan a enduré son lot d’épreuves.
Et il s’est relevé. Encore. Jusqu’à se tenir bien droit sur la scène de la Maison Principale par un soir de mai 2025.
Il le fera une dernière fois le 5 juin.