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C’est l’histoire d’un employé qui entre dans le bureau de son patron pour négocier une augmentation de salaire. Après avoir rappelé que l’entreprise bat des records de rentabilité chaque année et à quel point les responsabilités qu’il assume sont névralgiques, l’employé finit par lâcher le morceau : il veut qu’on bonifie sa rémunération annuelle d’une modeste somme de 5000 $.
Juste au moment où le patron s’apprête à répondre, l’employé poursuit son plaidoyer. Je gagne 50 $ de l’heure. Alors, je vais travailler 100 heures de plus par année, précise-t-il.
Et le patron, abasourdi, se lève en s’exclamant : Marché conclu! Tu le mérites tellement! C’est toujours un plaisir de faire des affaires avec toi, dit-il en le raccompagnant vers la porte.
Quand on y pense, cette caricature résume un peu la nouvelle convention collective que le nouveau directeur exécutif de l’Association des joueurs de la LNH, Marty Walsh, vient de conclure avec Gary Bettman et les propriétaires d’équipes.
Cet accord de principe, qui survient plus d’un an avant l’échéance du contrat de travail actuel, a été annoncé vendredi dernier à Los Angeles, quelques heures avant le repêchage.
Il y a 20 ans, après un lock-out qui avait mené à l’annulation complète de la saison 2004-2005, les joueurs de la LNH ont encaissé un recul salarial substantiel, en plus de se faire imposer le plafond salarial le plus restrictif parmi les quatre grands championnats professionnels nord-américains.
En 2025, la rémunération combinée des 10 plus hauts salariés de la LNH est encore inférieure de quelque 30 % à ce qu’elle était en 2004. Et la croissance des salaires des supervedettes de la LNH est la moitié moins rapide que celle des joueurs de la MLB (Major League Baseball) et de la NBA.
Dans son livre intitulé Don’t Be Afraid To Win: How Free Agency Changed The Business Of Pro Sports (N’ayez pas peur de gagner : comment l’autonomie a changé le milieu du sport professionnel), l’avocat spécialiste en relations de travail du sport professionnel Jim Quinn écrit que le résultat du lock-out de 2004-2005 la LNH était le pire désastre jamais survenu au sein d’un syndicat représentant des athlètes professionnels.
Quinn a participé à des négociations de conventions collectives dans les quatre sports majeurs nord-américains. C’est aussi lui qui conseille les joueurs et joueuses de tennis de l’ATP et de la WTA dans leur tentative de former un syndicat.
Le lock-out vécu au hockey laissait présager une nouvelle ère de volatilité dans l’ensemble du monde du sport. La bonne nouvelle était que le droit à l’autonomie était désormais accepté dans les quatre ligues majeures. Mais la mauvaise nouvelle était l’émergence d’une nouvelle mentalité corporative. L’époque où les équipes étaient des entreprises familiales était finie. La valeur des franchises explosait. Des milliards étaient en jeu. De nouveaux investisseurs sophistiqués apparaissaient dans le portrait, exigeant plus de contrôle et un meilleur rendement. Et nous savions tous à qui ils avaient l’intention de faire payer la note , écrit Jim Quinn dans son livre.
Pour les joueurs de la LNH, ce livre est en quelque sorte une prophétie. Pour eux, l’accord annoncé il y a quelques jours signifie une quatrième convention collective de suite marquée par des concessions faites aux propriétaires.
Les joueurs, qui sont partis du pire désastre jamais survenu, ont donc trouvé le moyen d’abaisser encore leurs conditions d’emploi lors des trois négociations subséquentes.
How low can you go?, comme disent nos amis anglophones.
La convention collective de 2005 avait été présentée par Gary Bettman comme le début d’un nouveau partenariat entre les joueurs et les propriétaires. Le nouveau plafond salarial prévoyait que 57 % des revenus allaient être versés aux joueurs et que les propriétaires allaient s’accommoder des 43 % restants. Désormais, tout le monde allait travailler main dans la main pour faire progresser le hockey, disait-il.
Mais sept ans plus tard, en 2012, Bettman a décrété un autre lock-out en arguant que les propriétaires devaient toucher plus de 50 % des recettes. Les propriétaires voulaient par ailleurs restreindre davantage le droit à l’autonomie – le seul gain qu’avaient fait les joueurs en 2005 – en plus de réclamer une réduction draconienne de la durée des contrats.
Les joueurs ont fini par accepter un partage des revenus 50-50. À ce jour, cette concession leur a fait perdre jusqu'à 4,2 milliards en salaires. La durée maximale des contrats a par ailleurs été réduite à huit ans lorsqu’un joueur s’entendait avec l’équipe dont il portait les couleurs, et à sept ans s’il se prévalait de son autonomie. Au bout du compte, il s’agissait donc d’une façon de dissuader les joueurs de se prévaloir de l’autonomie.
En 2020, cette convention a été amendée en raison des pertes de revenus occasionnées par la pandémie de COVID-19, un cataclysme mondial imprévisible. Les joueurs ont alors accepté de rembourser quelque 2 milliards de dollars qui leur avaient été versés en trop en vertu du partage des revenus à 50-50. En conséquence, le plafond salarial a donc été gelé pendant quatre ans.
Du côté de l’Association des joueurs, personne ne semble avoir jugé à propos de faire valoir que les pertes des propriétaires allaient forcément être moindres que celles des joueurs puisque la valeur de leurs franchises allait continuer d’exploser et que les propriétaires, contrairement aux joueurs, ne mènent pas des carrières éphémères.
Durant les quatre années au cours desquelles les joueurs de la LNH ont mangé leur pain noir, le plafond salarial de la NBA a bondi de 27 millions. Les joueurs de basketball ne se sont donc pas fait tondre la laine sur le dos. Mais surtout, entre 2020 et 2024, la valeur collective des franchises de la LNH s’est appréciée, tenez-vous bien, de plus de 37 milliards de dollars.
Ex-maire de Boston et ex-secrétaire du travail des États-Unis durant la présidence de Joe Biden, Marty Walsh est un ancien leader syndical du milieu de la construction.
Peu après avoir accepté le poste de directeur exécutif de l’Association des joueurs de la LNH au début de l’année 2023, il a convié les agents à une rencontre au cours de laquelle il leur a fait comprendre qu’il n’était pas vraiment arrivé là pour faire du syndicalisme ou des revendications.
À l’époque, un agent qui avait assisté à cette rencontre m’avait résumé le discours de Walsh en ces termes : Ne vous en faites pas, je ne suis pas venu pour créer des conflits avec les propriétaires. Je veux me concentrer sur l’accroissement des revenus pour améliorer les conditions des joueurs.
Tout cela nous ramène à la situation caricaturale du début. Cette posture corporatiste fait en sorte que pour toucher plus d’argent, les joueurs se font dire par leur leader syndical qu’ils doivent aussi en générer plus pour les propriétaires, notamment en disputant plus de matchs.
Depuis le début de son mandat, Marty Walsh est donc devenu une sorte de frère siamois pour Gary Bettman. Ou une sorte de promoteur adjoint. Main dans la main, les deux ont ainsi passé les 30 derniers mois à esquisser les plans d’une « Coupe du monde » qui sera disputée en Europe tous les quatre ans.
Et parallèlement à ce beau projet commun, Walsh et Bettman ont accouché d’une convention collective prévoyant que le calendrier de la LNH compterait 84 matchs au lieu de 82 à compter de la saison 2026-2027. (Les textes finaux n’ont pas encore été publiés, mais les faits saillants de l’accord de principe ont fait l’objet de fuites dans les médias.)
Le hic, pour reprendre une vieille expression, c’est qu’il n’y a pas un nombre illimité de matchs de hockey dans un hockeyeur. L’usure et les blessures accomplissent assez rapidement leur œuvre. Et le rythme auquel sont soumis les joueurs – principalement les meilleurs – est déjà infernal, ce qui fait que les carrières raccourcissent.
Au cours des 10 dernières saisons, le nombre de joueurs de 33 ans et plus a chuté de plus de 25 % par rapport aux 10 années précédentes (2005-2014), et ce, même si le nombre d’équipes a augmenté. La proportion de joueurs de 20 ans et moins a aussi légèrement diminué.
En tenant compte du calendrier, de la Confrontation des 4 nations et des séries éliminatoires, Connor McDavid, Sam Bennett et Sam Reinhart ont respectivement disputé 93, 102 et 103 matchs cette saison. Mais s’ils n’avaient pas tous été blessés, ils en auraient respectivement joué 108, 105 et 106.
Dans quelques années, en tenant compte des matchs supplémentaires occasionnés par le calendrier et la nouvelle Coupe du monde, les meilleurs joueurs des meilleures équipes de la LNH disputeront autour de 110 matchs lors de certaines saisons.
Bien installés dans le confort de leur foyer, certains se disent probablement que les joueurs sont parfaitement capables de disputer quelques matchs de plus et qu’il n’y a pas de quoi fouetter un chat.
Or ce ne sont pas les matchs supplémentaires qui constituent le nœud du problème. C’est le fait d’accepter de les disputer sans obtenir quoi que ce soit en retour, exactement comme l’employé de la caricature.
En plus d’accepter des risques et une charge de travail supplémentaires, les joueurs ont par ailleurs acquiescé à une demande de Gary Bettman qui amoindrira leur sécurité financière! En effet, la prochaine convention collective prévoit que la durée maximale des contrats passera de huit ans à sept ans (pour les joueurs demeurant dans la même équipe), et de sept ans à six ans (pour les joueurs se prévalant de leur autonomie).
En échange de ces concessions importantes, les joueurs ont obtenu des cossins comme la disparition du code vestimentaire obligatoire lorsqu’ils se présentent aux matchs, ou encore l’abolition des tests physiques. Ou comme la fin des rétrogradations quotidiennes fictives des jeunes joueurs vers la Ligue américaine, une pratique à laquelle se livraient les directeurs généraux pour se créer de l’espace sous le plafond salarial.
L’annonce de cette nouvelle convention collective venait à peine d’être faite lorsqu’on a appris que la LNH exigera des frais d’adhésion de 2 milliards aux promoteurs qui souhaiteront obtenir une équipe lors d’une éventuelle expansion. Ce pactole, évidemment, ne sera pas partagé avec les joueurs par les propriétaires.
Ce n’est donc pas pour rien que Gary Bettman répète, ad nauseam, à quel point il est agréable de travailler avec Marty Walsh. Il le pense vraiment.