Ce qui, normalement, peut facilement être perdu de vue lorsque l’enjeu croît en importance. Pascal Vincent a rappelé tout le monde à l’ordre, vendredi soir.

Dans la LNH, les équipes changent de gardien partant en séries éliminatoires lorsque l’un d’entre eux trébuche et dessert les chances de victoire de son équipe. Dans la Ligue américaine, on alterne lorsqu’un jeune gardien d’avenir débarque dans l’organisation et que l’on veut savoir ce qu’il a dans le ventre. Point.

D’un strict point de vue sportif, ça n’avait aucun sens de confier les destinées du Rocket à Jacob Fowler dans le quatrième match de la série quart de finale entre Laval et Rochester. Fowler avait perdu son seul duel dans cette série; Cayden Primeau avait remporté les deux siens.

Pour faire bonne mesure, précisons que Primeau avait aussi battu les Americans 12 fois à ses 13 dernières confrontations, dont les 6 derniers matchs disputés à Laval. C’est le gardien d’expérience, certes, mais c’est aussi, et surtout, le gardien du passé, un peu celui du présent, certainement pas celui de l’avenir.

Et c’est pour ça qu’il a regardé le match du bout du banc. Enfin, pendant 30 minutes parce qu’il a bien fallu relever le pauvre Fowler après qu’il eut accordé 4 buts sur 14 tirs dans cette défaite de 5-1 du Rocket qui a permis à Rochester de créer l’égalité et de forcer la tenue d’un cinquième match décisif, dimanche.

Alors, quand on a demandé à l’entraîneur si c’était parfois difficile de ménager la chèvre et le chou, ou plutôt les résultats et le développement, il a été franc.

Non. Tu ne développes pas juste quand ça fait l’affaire. Il faut les voir nos jeunes. Au même titre qu’on fait jouer [David] Reinbacher, [Adam] Engstrom. Il est venu avec nous pour jouer au hockey, c’est un bon gardien de but, a laissé tomber Pascal Vincent après le match.

Il a été faible sur au moins deux buts, mais Fowler ne peut porter à lui seul le blâme pour ce revers sans appel. Les nombreuses punitions d’indiscipline ont été particulièrement coûteuses. L’équipe a semblé baisser les bras par moments. Plusieurs joueurs affichaient leur mine des mauvais jours, à commencer par Logan Mailloux, pourtant jamais aussi étanche que dans les dernières semaines, mais poreux à souhait vendredi.

Une petite passe molle du revers à sa ligne bleue par-ci, un revirement en tentant de passer la rondelle entre les jambes de son couvreur tandis qu’il reculait avec l’objet profondément dans sa zone par-là : ce n’était par un grand cru pour le colosse de Belle River.

Tant et si bien que Vincent a admis qu’il n’a pas joué un bon match.

Les Americans l'ont emporté 5-1 vendredi, à la Place Bell.

Photo : Rocket de Laval/James Hajjar

C’est précisément pour voir la jeunesse à l’œuvre dans les moments de tension que le Canadien souhaite voir son club-école parcourir un bout de chemin dans le tournoi de la Ligue américaine. Ç’a été difficile pour Mailloux, d’accord, bien que son entraîneur a réitéré que, de façon générale, il n’a jamais aussi bien joué qu’actuellement.

Le périple est fructueux pour Florian Xhekaj et pour Owen Beck également. Le premier démontre l’étendue de sa polyvalence, le deuxième, sa combativité et sa capacité d’adaptation, un centre naturel qui évolue maintenant à l’aile droite d’un quatrième trio et vient de disputer deux matchs solides d’affilée.

Puis, il y a David Reinbacher, toujours un peu évanescent, délicat et insaisissable. Et un autre défenseur d’intérêt, Adam Engstrom, de plus en plus à l’aise dans ce style nord-américain. Il a de loin été le meilleur arrière des siens vendredi, autant grâce à son sens du jeu défensif que par son coup de patin léger qui lui a permis de créer des brèches dans la structure adverse et a mené au seul but du Rocket, l’œuvre de Joshua Roy.

Le matin même, Vincent encensait le défenseur suédois en affirmant qu’il n’était pas certain de connaître l’étendue de son potentiel.

C’est seulement sa première année, sa progression est très impressionnante, a estimé l’entraîneur en matinée. […] Il utilise ses pieds pour mieux défendre, il joue de plus en plus physique. C’est une adaptation rapide et je ne sais pas encore quel est son plafond. Je suis content de pouvoir dire ça parce que ça peut être plus élevé qu’on pense.

Engstrom a représenté l’exception plutôt que la règle dans ce quatrième match. Si lui peut faire bonne figure dans ce contexte, pourquoi ceux qui ont plus d’expérience ne le pourraient-ils pas.

En ce sens, on a senti un peu d’agacement de la part de Vincent lorsqu’on lui a soumis l’idée que l’inconstance de Mailloux, par exemple, provenait peut-être de son jeune âge.

Je ne sais pas si on peut tout le temps utiliser la jeunesse et l’expérience pour expliquer des contre-performances. Je pense qu’aujourd’hui on s’attendait à quelque chose de différent.

Il a aussi montré du doigt les vétérans plutôt passifs. À son avis, c’est pour toutes ces raisons que le gardien Fowler a mal paru.

Il ne méritait pas qu’on joue comme ça devant lui, a-t-il spécifié.

Le Rocket n’a pas déroulé le tapis rouge au portier américain de 20 ans comme les Bulldogs de Hamilton l’avaient fait pour Carey Price en 2007 au même âge. L’ancien du CH arrivait de la Ligue junior de l’Ouest quand on lui avait confié les rênes de l’équipe pour 22 départs en séries de la LAH. Le plan était de vivre et mourir avec lui. Ils avaient finalement remporté le championnat.

Non, avec Fowler, c’est plus méthodique, plus prudent. Contre Rochester, Primeau et lui ont joué chacun leur tour et il y a fort à parier que Primeau sera le gardien partant dimanche. Avec un seul objectif.

C’est dans ces matchs-là qu’on veut voir nos jeunes, comment ils vont réagir. Il faut qu’ils vivent cette expérience. C’est pour ça qu’on veut faire les séries : pour les mettre dans des positions comme ça, a conclu Vincent.

Encore faut-il qu’elles se poursuivent, ces séries.