« C’est devenu infect. » Des habitants de Beuvillers (Calvados) sont à bout, à cause des odeurs émises par l’entreprise Alva.

L’usine est installée à la sortie du bourg de la commune, dans la rue d’Orbec. « Alva est une entreprise spécialisée dans la valorisation de coproduits d’abattoirs, précise Hervé Collet, le directeur général. Alva produit des graisses de bœuf destinées aux biocarburants ou à la chimie, et des protéines destinées à l’alimentation des animaux de compagnie. »

« Manger à côté d’un cadavre »

L’intensité des effluves dépend des jours et des vents, selon les riverains. Le 1er mai 2025, malgré le beau soleil qui inondait la Normandie, les habitants de Beuvillers ont été contraints de rester enfermés chez eux, selon Xavier Marie, qui vit à 200 mètres du site :

« C’était infect toute la journée. C’était invivable, insupportable, à tel point qu’on ne pouvait pas mettre le nez dehors. On ne pouvait pas mettre notre linge ou manger dehors, alors qu’il faisait un temps magnifique. C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. »

Il compare : « Une odeur de charnier. C’est comme si vous mangiez à côté d’un cadavre… » « Ça sent la bête crevée ! », abonde une autre habitante.

En plus d’avoir un impact sur la vie quotidienne, ces émanations entraînent « une dépréciation immobilière de nos biens », regrette Xavier Marie : « Le prix des maisons est 30 % inférieur à celui des communes alentour. » « Je suis surpris du prix des maisons à Beuvillers », confirme le maire Didier Mauduit.

« Tellement pénalisant pour la commune »

L’élu connaît bien le sujet, pour l’avoir découvert puis traité à la fin des années 80 :

« La problématique des odeurs est très ancienne. Quand je suis arrivé, en 1986, mes collègues de l’hôpital me disaient que j’étais fou d’avoir acheté une maison à Beuvillers. »

Il poursuit : « Quand j’ai été élu maire-adjoint en 1989, le maire de l’époque m’a dit que ce serait bien de s’occuper des mauvaises odeurs, parce que ça devenait intolérable. Nous avions rencontré la direction de l’époque, qui nous avait fait du chantage à l’emploi, en disant qu’il y avait 30 ou 35 emplois à la clé. J’avais répondu devant le sous-préfet que c’était tellement pénalisant pour la commune que nous étions prêts à en arriver là. »

« Nous sommes revenus 40 ans en arrière »

Finalement, les échanges avaient continué, et « l’entreprise avait bien réagi en mettant en place un biofiltre, qui avait réduit le problème de façon très significative. Je ne vais pas dire qu’il y avait zéro odeur, mais disons que 80 % des odeurs avaient été éradiquées ». Au fil des années, « notre image de marque a commencé à être réhabilitée », assure le maire :

« Les gens ont recommencé à acheter des maisons à Beuvillers, et on parlait de moins en moins des odeurs, même s’il en restait encore un peu. »

Oui, mais. « Depuis environ 2 ans et demi, nous sommes retombés dans ce que nous avions connu lors de ces années, avec les mêmes odeurs pestilentielles, aussi souvent et aussi fortes, déplore Didier Mauduit. Nous sommes revenus 40 ans en arrière. »

Selon lui, « il y a de plus en plus de riverains concernés, y compris à Lisieux, Glos et même jusqu’au Mesnil-Guillaume, ce qui veut dire que la concentration d’odeurs s’est accentuée ».

Une rencontre avec le directeur général

Le maire dit « comprendre les riverains » : « Ne pas pouvoir ouvrir une fenêtre ou boire un café dehors quand il fait beau, c’est quand même gênant. Cela devient intolérable. »

Après une première rencontre avec la direction du site en novembre 2024, l’élu a reçu mardi 20 mai 2025 à la mairie le directeur général d’Alva, Hervé Collet, ainsi qu’une dizaine d’habitants de Beuvillers.

Pendant plus d’une heure d’échanges « constructifs », le professionnel, qui a déjà rencontré des problèmes similaires dans l’usine Alva de Rezé près de Nantes, a expliqué d’où venaient les odeurs et ce que l’entreprise comptait faire : « Les odeurs sont traitées par un biofiltre, la matière végétale chargée de traiter cet air est renouvelée tous les 3 ans environ. Celle-ci a subi une forte dégradation anormale, de façon anticipée, causant ainsi les nuisances olfactives actuelles. »

« Nous avons prévu de changer cette masse végétale fin juin. Nous allons sécuriser et effectuer au préalable les modifications nécessaires courant juin afin d’éviter que cet incident ne se reproduise. Nous allons alléger l’activité du site dès cette semaine afin d’alléger le fonctionnement du biofiltre, en attendant le changement de la masse du biofiltre. »

D’autres actions devraient suivre dans les prochains mois : « Nous mettons en place une solution à court terme afin que les riverains puissent ressentir les améliorations au plus vite, assure le directeur général. Nous allons procéder dans un second temps à des audits complets des chaînes d’aspiration, les points principaux concernent la captation des flux et la maîtrise de leur température. »

Les riverains attendent de voir : comme Saint Thomas, ils « ne croient que ce qu'[ils] voient ». Et, dans ce cas, ce qu’ils sentent.

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