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Alors que le gouvernement insiste sur le développement de l'accompagnement à domicile, les familles alertent sur leurs besoins réels.
On les appelle tristement les «sans-solutions». Plusieurs milliers de personnes handicapées n'ont actuellement aucune structure spécialisée pour les accueillir près de chez elles, ni même en France. Faute de places dans l'Hexagone ou face à des listes d'attente sur plusieurs années, un certain nombre d'entre elles ont été obligées de s'exiler en Belgique - où les places ne manquent pas - ou ont été contraintes de rester chez elles.
Pour les familles, le combat pour une vie décente pour leurs proches en souffrance est épuisant. Face au manque de réponses adéquates de l'État, leur colère ne retombe pas. Le nombre d'actions de sensibilisation se multiplie pour alerter sur le sujet. Lundi 29 mai, par exemple, le maire de Poses (Eure) et père d'Elyes, 12 ans, a débuté une grève de la faim pour obtenir son fils atteint de troubles autistiques soit scolarisé en septembre prochain. À Nantes, une manifestation s'est tenue le vendredi 2 juin. Des parents se sont réunis devant l'Agence régionale de santé, affirmant que les personnes handicapées sont abandonnés par l'État.
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En vain, les familles dénoncent le manque de places dans les structures d'accueil. Quand de nombreux parents sont obligés de quitter leur travail pour s'occuper à plein temps de leurs enfants handicapés, d'autres sont contraints de les envoyer en Belgique. Si bien que la France a été condamnée par le Conseil de l'Europe, en avril dernier. L'institution européenne a estimé que l'État français ne respectait pas les droits fondamentaux des personnes handicapées.
Structures belges financées par la France
Parmi les personnes exilées en Belgique, Georges, âgé de 62 ans, qui présente un retard mental. Depuis ses 20 ans, il vit dans un foyer de vie à Tournai. «Lorsqu'il a eu 18 ans, aucune place n'était disponible en France dans une structure pour adultes», raconte Antonia, sa sœur et tutrice. C'est pourquoi la famille s'est rapidement tournée vers la Belgique. Là-bas, Georges possède son propre appartement, reçoit ses plateaux-repas et assiste à des ateliers variés tous les jours.
«Malgré une situation difficile, nous faisons partie des plus chanceux car nous vivons près de la frontière. Cela permet à Georges de rentrer le week-end», reconnaît-elle. Quand elle rend visite à son frère, Antonia rencontre les autres habitants du foyer. Nombreux sont ceux qui viennent de loin : Bretagne, Toulouse, région parisienne... «Ils ne voient pas leur famille souvent et sont un peu oubliés. En discutant avec eux, je ressens une grande souffrance affective», confie-t-elle.
Ces structures d'hébergement en Belgique sont financées «en majeure partie par la Sécurité sociale [française], pour un montant de 350 millions d'euros en 2022», précise au Figaro le ministère chargé des Personnes handicapées. Le reste est financé par les Conseils départementaux au titre de l'aide sociale à l'hébergement. «Je trouve cela déplorable que l'État paye la Belgique pour les accueillir, au lieu de créer des places et des emplois en France», s'insurge Antonia. Aux côtés des parents, de nombreuses associations ont pris part à la lutte ces dernières années. «On a beaucoup milité pour que des places soient ouvertes en France pour offrir un choix de proximité. Mais également pour que nos cotisations restent en France», explique Sébastien Ngugen, délégué régional de l'association Unapei des Hauts-de-France.
Départs contraints «sous contrôle»
Sur les 12 millions de personnes en situation de handicap en France (chiffre global qui englobe les handicaps lourds et légers), 8300 sont prises en charge en Belgique, tempère toutefois le ministère. Soit environ 7000 adultes et 1250 enfants. Le gouvernement assure par ailleurs que le nombre de départs contraints vers la Belgique est «sous contrôle», notamment grâce aux moratoires de 2014 pour les enfants et de 2021 pour les adultes. «Désormais, des solutions sont systématiquement recherchées et activées par les acteurs du territoire (MDPH, ARS...). D'ailleurs, le nombre d'enfants accueillis baisse depuis plusieurs années et celui des adultes est stable depuis deux ans alors qu'il progressait de manière continue auparavant», déclare le ministère.
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De plus, le gouvernement rappelle que depuis le moratoire de 2021 sur les adultes handicapés, «l'État ne finance plus de créations de places dans les établissements wallons conventionnés». «Pour autant, certaines personnes font le choix de s'y rendre pour des raisons diverses et nous sommes attentifs à cette liberté de choix», se défend le ministère, citant en exemple les habitants transfrontaliers, comme Georges.
Plus de 50.000 «solutions»
Malgré quelques améliorations, le constat demeure insuffisant pour Emmanuelle. Elle est la maman de Kiara, 22 ans, qui souffre d'un syndrome génétique rare, d'une déficience intellectuelle et d'un autisme sévères. Ces maladies l'empêchent de parler. Sa famille n'a pas la chance d'être transfrontalière - elle vit au sud de Valenciennes - et compte donc exclusivement sur les structures françaises. Chaque jour, Kiara se rend dans un Institut médico-éducatif (IME). Malgré cette prise en charge, Emmanuelle a dû arrêter de travailler pour s'occuper de sa fille. Depuis ses 20 ans, cette dernière aurait dû intégrer un établissement réservé aux adultes, mais aucune place n'est disponible. «C’est comme si on disait à une famille que leur enfant devait rester en CM2 pendant dix ans au lieu d’aller au collège», compare-t-elle. «Aujourd'hui, je sens que cela ne lui va plus. À sa manière, elle m'exprime sa volonté de vivre autre chose, ailleurs», déplore Emmanuelle, le cœur serré.
Cette mère de famille ne comprend pas pourquoi «les familles ne sont pas entendues». «J'aimerais savoir où sont les places», s'exclame-t-elle avec amertume. Le gouvernement a répondu par la création de «2500 solutions» et l'attribution de 90 millions d'euros de financements médico-sociaux depuis 2020 aux trois régions les plus concernées par les départs contraints : l'Île-de-France, les Hauts-de-France et la région Grand-Est. Mais concrètement, derrière le mot «solution», «nous n'avons pas les détails», pointe du doigt Sébastien Ngugen.
«L'offre ne correspond pas aux besoins»
Selon le ministère, la moitié de ces «solutions» concernent «le développement de services» et l'autre moitié «le développement de places». Parmi les innovations : «un accompagnement intensif à domicile» par exemple, «qui répond aux besoins, rassure et soulage les proches», écrit l'institution. Emmanuel Macron a récemment annoncé la création de 50.000 «solutions» supplémentaires spécifiques pour les enfants.
Toutefois, «l'offre ne correspond pas aux besoins», juge Sébastien Ngugen. Un avis partagé par Emmanuelle, qui fait partie de l'association «Papillons blancs». Elle critique les dispositifs d'accompagnement à domicile : «Ce n'est pas ce que les parents désirent. Il leur faut des places en foyer de vie, en maisons d'accueil spécialisées et en foyers d'accueil spécialisés.»
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Pour la mère de Kiara, aider les familles à domicile peut en soulager certaines, mais l'objectif n'est pas «de les laisser enfermées chez elles». Depuis que le diagnostic de sa fille est établi, la vie d'Emmanuelle est un «combat» psychologique et administratif. «Il faut arrêter de croire que les établissements d'accueil ne sont pas la solution. C'est la seule façon de réellement soulager les familles.»